Pour la pédopsychiatre italienne Maria Montessori, les six premières années de la vie d’un individu sont absolument déterminantes dans la formation de ses facultés psychiques. Cette période se caractérise par un élan naturel vers le développement de ses capacités qu’il incombe à l’adulte de ne pas briser en ayant le mauvais réflexe de se substituer à l’enfant pour « l’aider ». Pour conserver intacte sa volonté d’entreprendre, le bon éducateur devra donc éviter de soumettre l’enfant à son autorité, mais au contraire lui permettre au maximum de choisir et d’effectuer ses activités en autonomie. Dans les écoles essayant de mettre en œuvre ces principes, point de consigne collective ou de temps imparti. La classe regorge d’un matériel spécialement conçu pour que l’enfant puisse s’en saisir pour s’entraîner lui-même à faire une activité, autant de temps qu’il le souhaite, à laquelle il aura été initié individuellement par son maître ou par un élève plus âgé. Ce matériel est pensé pour retenir l’attention de l’enfant en l’obligeant à être acteur et en lui permettant de s’auto-corriger, afin de muscler sa volonté et sa confiance en lui-même au lieu de le transformer en réceptacle passif.

   Résolument partial, prêchant pour une paroisse qui est devenue la sienne, Alexandre Mourot ne cherche en aucun cas à proposer un aperçu des différentes tentatives, plus ou moins heureuses, d’appliquer ces idées. Il nous immerge au contraire sciemment dans une classe Montessori exemplaire, respirant indéniablement l’harmonie et l’épanouissement et menée par un éducateur particulièrement compétent. Au gré des petites séquences dans lesquelles on observe en plan serré un ou plusieurs enfants concentrés sur l’activité vers laquelle les a poussés leur désir, on découvre l’éventail des compétences pratiques qu’ils peuvent s’entraîner à maîtriser et le matériel si judicieusement pensé pour leur permettre de le faire en autonomie. Le documentariste ponctue ces vignettes de plans plus larges qui nous donnent un aperçu plus général de la classe et lui permettent d’attirer notre attention sur les nombreuses dimensions qui la distinguent des classes standards : le rapport au temps, aux autres, au silence, mais aussi l’étonnante place de « l’éducateur » (que souligne le titre du film), dont l’une des principales qualités est de savoir se maintenir en retrait, observer et se retenir d’aider ses élèves ! Enfin, à mesure que ses images en fournissent la parfaite illustration, il nous donne à entendre la lettre même des théories de Maria Montessori, grâce aux extraits de ses conférences qu’interprète Anny Duperey.

   Intelligemment agencé, Le maître est l’enfant est donc à la fois une passionnante leçon de psychologie du développement et une démonstration convaincante et émerveillante de la pertinence de la mise en pratique de la pensée de la pédagogue italienne. Espérons qu’il contribuera à multiplier ses émules !

F.L.