Agréable à regarder, drôle et profond à la fois, Slash est un film du réalisateur américain Clay Liford, remarqué en 2010 pour son film de science-fiction original Earthling. Slash est une histoire d’initiation dans lequel un adolescent (Neil, excellemment interprété par Michael Johnston), mal intégré dans son groupe classe, mène une deuxième vie hors des préoccupations scolaires et familiales : il écrit des histoires homoérotiques. Mais qu’on se rassure, malgré ses écrits très « chauds », le film ne tombera jamais dans le graveleux. On est plutôt ici dans le questionnement sur la sexualité.

Cette passion littéraire fait de Neil un personnage qui écrit et qui parle d’homosexualité autrement qu’en termes péjoratifs, ce qui le démarque doublement de ses camarades de lycée. Son activité intime ayant été accidentellement dévoilée aux yeux de tous, il sera aidé dans cette période délicate par une de ses camarades de classe (Julia, interprétée par Hannah Marks - que l’on a adorée dans Dirk Gently, détective holistique - ), la seule à croire en ses capacités, à l’estimer, et à le respecter. Julia va donc le convaincre de franchir le pas en envoyant ses textes aux organisateurs d’un festival. L’aide que lui apporte Julia sera bénéfique et le jeune homme ne pourra plus se cacher derrière un pseudonyme et son écran, mais devra affronter le monde réel en lisant ses textes devant un public. Quand bien même c’est dans leur monde imaginaire que les deux jeunes se trouvent le plus à l’aise, ils se retrouvent dans la « vraie vie » dans une communauté d’intérêts qui favorisera leur aide mutuelle. En effet Neil pourra lui aussi aider Julia, car, quand bien même celle-ci est plus âgée et plus mûre que lui en apparence en tous cas, elle est elle-même en proie à une relation difficile et à un questionnement sur sa propre sexualité.

Un film tendre, par son côté initiatique, et aussi sérieux dans sa réflexion sur la création.  Car un des thèmes traités est celui de la production littéraire, du rapport entre l’écrivain et son personnage et de la réception de son œuvre. L’écrit est-il forcément biographique ? Qui déteint sur l’autre, du personnage ou du rédacteur ? Le lecteur n’est-il pas tenté par faire un amalgame entre l’écrivain et ses écrits ? Que le héros passe beaucoup de temps à préparer son déguisement pour sa lecture lors d’un festival cosplay est métaphorique de cette « transformation » de l’écrivain et au-delà de la quête de soi du personnage. Tel un Perceval qui cherchait la gloire et l’amour et qui finit par se trouver lui-même, Neil, en cherchant par ses écrits la reconnaissance et l’amour, finit par trouver grâce à eux des réponses à son questionnement existentiel et un équilibre affectif.  Un vaste programme que le film ne fait pas que survoler, mais traite d’une façon intelligente et sensible.

Nous sommes face à un film à lire à plusieurs niveaux, excellent autant au premier degré que si on gratte le cuir.

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L.S.

P.S. : Pour aller plus loin, ce film, qui invite à de multiples références pour des films policiers ou de genre au gré de la cinéphilie du spectateur, m’a fait penser dans son pan récit initiatique à la série Sex education en plus ramassé et donc en plus « essentiel ». Pour le pan plus littéraire, c’est le film de Barbet Schroeder, Inju : la bête dans l’ombre, qui me vient à l’esprit pour la mise en abyme et le trouble de l’écrivain face à son personnage (et l’ambiance SM qui renvoie à la production écrite de Neil).