Orlando (Francisco Reyes) et Marina (Daniela Vega), malgré leurs vingt ans d’écart, filent le parfait amour. Quand le premier meurt brutalement, pourtant, la seconde est suspectée. Parce qu’elle est transgenre, la famille d’Orlando veut l’empêcher de rendre un hommage posthume à celui qu’elle aimait. Avec détermination mais sans violence, Marina se bat pour ne pas être ostracisée en raison de sa différence.

Avec Une femme fantastique, Sebastián Lelio démontre, pour paraphraser Lévi-Strauss, que « le monstre, c’est celui qui croit à la monstruosité. » L’opposition est en effet frappante entre le portrait qu’il fait de son héroïne, incarnation du calme et de l’élégance, et la tempête de suspicion et de violence qui émane autour d’elle des braves gens qui ne supportent pas que l’on suive une autre route qu’eux. La force du film doit beaucoup à son interprète principale, Daniela Vega, qui était d’abord consultante sur le scénario et y a insufflé tellement d’elle-même qu’elle s’est imposée comme une évidence. Douée d’une grande présence naturelle, l’actrice transgenre brille par son minimalisme. Son admirable sobriété va de pair avec la pudeur de la caméra de Sebastián Lelio, qui filme le voyeurisme de l’entourage de Marina en évitant soigneusement de tomber dedans lui-même. Là où d’autres auraient traqué l’androgynie du personnage, le réalisateur chilien réussit la gageure de rendre celle-ci quasiment anecdotique, en s’intéressant davantage à retranscrire son monde intérieur dans des scènes hyperstylisées qui mettent en valeur sa détermination à suivre le chemin qu’elle s’est choisi malgré les vents contraires. Ce faisant, il a la grâce d’offrir à Daniela Vega non pas un rôle de femme transgenre, mais un rôle de femme tout court, en résistance, fantastique.

Florine Lebris