Pierre (Swann Arlaud), comme ses parents avant lui, est éleveur laitier. Du matin au soir, il s’occupe de la trentaine de vaches qui fait vivre la famille. Lorsque l’une d’elles est frappée par une maladie que les autorités sanitaires tentent d’endiguer en décimant les troupeaux dont le moindre élément est atteint, il essaie coûte que coûte de régler la situation seul, en cherchant à échapper aux contrôles. En première ligne, il doit déjouer la vigilance de sa sœur vétérinaire (Sara Giraudeau).

Pour un coup d’essai, c’est déjà un coup de maître. Hubert Charuel a habilement su transformer le monde de son enfance en matière à fiction trépidante. Plantant sa caméra au sein de la ferme parentale, il y orchestre un thriller si rondement mené qu’il lui a valu le Valois de diamant (la récompense suprême !) au tout récent festival du film francophone d’Angoulême. Pour ce faire, il dépeint d’abord la routine de son héros, jeune homme opiniâtre et taiseux, dont la vie est parfaitement réglée par les différents travaux de la ferme. Il enraye ensuite cette belle machinerie, en infiltrant la peur de la maladie, puis la maladie elle-même, dans l’esprit du petit paysan. Dès lors métamorphosé par l’activation de son instinct de survie, celui-ci se lance dans une course contre la montre menée avec toute l’énergie du désespoir par un homme dont l’identité même est menacée. Hubert Charuel filme alors dans les yeux de Swann Arlaud, habité, le déchirement de celui qui doit sacrifier ce qu’il a de plus cher pour éviter de se perdre lui-même. Le spectateur ne peut alors qu’entrer en empathie avec ce criminel atypique, dont les cadavres pèsent plusieurs centaines de kilos et sont soumis à contrôle hebdomadaire, d’autant plus que le réalisateur nous fait partager ses visions, dans lesquelles transparait son attachement anxieux à ses bêtes.

Fort de son crescendo émotionnel et de son contexte exotique, Petit Paysan se révèle en somme un thriller non conventionnel aussi haletant qu’émouvant.

F.L.