« On ne peut s’exprimer que par nos tableaux », écrit Vincent Van Gogh dans la dernière lettre qu’il adresse à son frère Théo. Inspirée par cette assertion, la réalisatrice polonaise Dorota Kobiela se lance le défi fou de créer le premier film de peinture animée au monde. Pour ce faire, elle commence par tourner le scénario de La passion Van Gogh en prises de vue réelles avec des acteurs interprétant des personnages issus des toiles du peintre, dans des décors spécialement construits pour évoquer celles-ci ou devant des fonds verts. Dans 85 stations de travail de peinture-animation réparties dans trois studios en Grèce et en Pologne, autant d’artistes préalablement formés à l’animation et au style pictural particulier de Van Gogh peignent ensuite à l’huile, directement sur les rushes, un millier de versions adaptées au format cinématographique de 130 tableaux du maître qu’ils photographiaient à chaque fois qu’ils les modifiaient légèrement pour obtenir les 62 450 plans qui composent le film. Le résultat est visuellement impressionnant. C’est un délice de voir s’animer sous nos yeux les touches de peinture de tableaux que l’on reconnaît ou que l’on devine, à mesure que le personnage principal progresse dans l’enquête sur la mort de Van Gogh qui sert de prétexte scénaristique au film. Même si cette recherche paraît parfois trop artificielle, on l’oublie facilement en se laissant aller à un plaisir purement contemplatif, plaisamment complété par la volupté auditive assurée par la musique toujours mélodieuse et souvent inquiétante de Clint Mansell, célèbre compositeur des bandes originales des films de Darren Aronofsky, qui traduit parfaitement la mélancolie du peintre.

F.L.