Le titre du film Taxi Sofia, choisi par le distributeur à la place de « directions » fait référence au film Taxi Téhéran de Jafar Panahi. Cependant, si Taxi Téhéran relatait les conversations à l’intérieur d’un seul taxi et n’en sortait pas, Taxi Sofia, huitième long métrage, fiction et documentaires confondus, du réalisateur bulgare Stephan Komandarev, nous offre une vision plus large de la société, ne serait-ce que parce que les chauffeurs sont plusieurs et que leur histoire est mise en scène par le réalisateur. Il s’agit d’une œuvre de fiction, dont le rôle, comme toute fiction réaliste, est d’aider le spectateur à se représenter le réel, en l’occurrence celui d’une société corrompue dans laquelle, d’après l’un des protagonistes, tous les pessimistes et les pragmatiques étant partis, il ne reste que les optimistes. Et de l’optimisme, il en faut pour rester dans ce pays où le seul espoir d’une classe moyenne est d’arrondir ses fins de mois en faisant le taxi. En effet, que l’on soit chef d’entreprise aux prises avec une administration et/ou un système bancaire corrompu, enseignant, scientifique, musicien, ou même prêtre, ce métier semble être la seule issue honnête possible à ceux dont le pouvoir d’achat a tellement diminué qu’il ne permet plus de payer ses charges et de vivre décemment.

Le film suit donc en de longs plans-séquences cinq chauffeurs, racontant leur vie et celles de leurs passagers, tous réalisés de nuit, et qui succèdent à une première séquence diurne, introductrice brutale du propos, retraçant le meurtre d’un banquier par Misho, un entrepreneur poussé à la faillite. Ce fait réel a provoqué beaucoup d’émotion dans la population bulgare et sert de fil conducteur tout au long de Taxi Sofia.

Ce film, très sombre dans son discours, se veut pourtant optimiste par sa dernière et très belle séquence, comme si la nouvelle génération était porteuse de l’espoir d’un renouveau de la société bulgare. Ce qui est en tout cas le souhait du réalisateur.

Un film édifiant sur la société bulgare contemporaine.

Laurent Schérer