Dora (époustouflante Victoria Schulz), jeune handicapée mentale, est encouragée à l’autonomie par une mère dévouée (Jenny Schily) qui fait tout pour que sa fille puisse avoir la même vie que les autres. Elevée dans cette idée, à partir du jour où elle surprend ses parents en train de folâtrer, la jeune fille n’a plus qu’une seule envie : connaître elle aussi les joies de l’amour physique. En faisant du charme à un homme croisé sur son lieu de travail qui se révèle être un libertin particulièrement ouvert d’esprit (Lars Eidinger), elle le transforme en amant et tombe bientôt enceinte. Sa mère, qui essayait vainement d’avoir un deuxième enfant, doit alors affronter, et les démons de la jalousie, et un lourd dilemme moral. A quel point est-ce humaniste de laisser une personne incapable d’appréhender les conséquences de ses actes faire ses propres choix ? Où finit la protection de la personne et où commence l’eugénisme ?

A partir de ce scénario osé, la réalisatrice suisse souhaitait sortir du placard le dernier tabou de nos sociétés libérales concernant les droits des personnes handicapées : la procréation. Pari réussi : en nous attachant à une héroïne handicapée qui mène sa grossesse à terme, elle suscite des sentiments ambivalents qui poussent le spectateur à s’interroger sur ces questions bioéthiques complexes. L’empathie que l’on ressent pour Dora tient autant au talent de l’actrice principale, Victoria Schulz, dont la composition est bluffante qu’au travail qu’accomplit la réalisatrice pour filmer la réalité telle que la perçoit une jeune fille ayant un rapport au monde beaucoup plus sensuel qu’intellectuel. Ainsi, en laissant la caméra se focaliser sur les détails qui retiennent l’attention de Dora, donc sur ce qui est coloré, qui sent bon et qui semble agréable au toucher, plutôt que par ce qui est désirable socialement, elle nous plonge dans un univers mental singulier tout en procurant à son film une identité visuelle forte.

F.L.