Ava (Noée Abita) est une adolescente sombre, de cheveux comme de caractère, atteinte de rétinite pigmentaire, une maladie qui réduit progressivement le champ de vision à un cercle de plus en plus étroit. Pendant ses vacances d’été avec une mère qu’elle n’arrive plus à supporter (Laure Calamy), elle anticipe sa cécité prochaine en exerçant ses autres sens. Le hasard de ses pérégrinations l’amène à croiser la route d’un gitan (Juan Cano) dont l’âme rebelle autant que le magnifique chien noir l’attirent irrésistiblement.

   Fraîchement émoulue de la promotion scénario 2014 de la Fémis, co-scénariste du dernier film d’Arnaud Desplechin (Les fantômes d’Ismaël), Léa Mysius nous régale avec Ava d’un premier long-métrage déjà très maîtrisé. Le personnage d’adolescente qu’elle met en scène est très bien écrit, assez sauvage pour ne jamais être mièvre, sans pour autant dénoter d’une hypermaturité invraisemblable. Pour l’incarner à l’écran, la jeune Noée Abita, avec son regard farouche, est parfaite. Centré sur une exploration des sens, le film brille également par sa bande-originale, que la réalisatrice a beaucoup travaillé avec la compositrice Florencia Di Concilio afin d’obtenir « quelque chose de très organique, avec des cordes et des sons concrets, des frottements, des grattements, des bruits très proches pour sentir la matière. » Evoluant d’une atonalité agressive vers des envolées mélodieuses à mesure qu’Ava s’ouvre à la sensualité, la musique du film se fait le savant reflet sonore de la maturation psychologique de la jeune fille. Mais ce qui séduit encore davantage, c’est le choix de la réalisatrice de ne pas tourner en numérique. Le grain du format 35mm qu’elle lui préfère confère ainsi à ses images une organicité harmonieusement accordée à la musique de Florencia Di Concilio. Pour ne rien gâcher, Paul Guilhaume à la photographie tire habilement partie de la sensibilité accrue de la pellicule argentique pour nous accoucher d’images joliment contrastées, dont les jeux d’ombres et de lumières sont elles aussi en parfaite adéquation avec le sujet central du film. Fort de tous ses éléments, pour un coup d’essai, Ava est donc déjà un coup de maître, puissant, captivant, d’une troublante obscure clarté.

Florine Lebris