In fabric de Peter Strickland est un film dévorant dont des images fragmentaires hantent encore mes souvenirs presque un an après l’avoir vu au PIFFF. Des visions encore très fortes de ce  magnifique film chatoyant aux images teintées du rouge des étoffes, du sang ou du feu.  Pourtant, à bien y réfléchir, je ne me rappelle que très vaguement de l’histoire de cette robe tueuse qui s’adapte à celles (et celui) qui la portent en passant de corps en corps : des fashion victimes au sens propre. Celles qui sont happées par la mode sont ici tuées par cette robe serial killer.

Adossées à une BO extraordinaire, les images sont créées pour être marquantes, hypnotiques, et cela fonctionne. Le spectateur est alors entrainé dans un vertige dont il ne saisit pas toujours l’origine à travers ce maelstrom de couleurs et de formes.

Mélangeant l’humour, l’horreur pure, l’érotisme, le réalisateur britannique déstabilise son spectateur par un montage fabuleux maitrisé de bout en bout. Celui-ci perd ses repères, d’autant plus que la trame narrative n’est pas linéaire. Mais s’il perd pied, le spectateur a toujours de quoi se raccrocher in extremis, emporté par ce film sensitif, cette expérience visuelle et sonore, presque olfactive quand on devine l’odeur enivrante des parfums et celle détestable du sang et des fumées, et surtout tactile tellement on a envie de toucher et de saisir cette étoffe assassine. Ici,  il n’y a plus de standards du film de genre, ni pour les suivre, ni pour les transgresser. Peter Strickland  a fait un pas de côté et offre une œuvre à part , scotchante, quasi démoniaque par sa puissance d’envoutement.

Laurent Schérer