Le cinéaste Mohamed Siam, dont les films sont régulièrement censurés par la dictature égyptienne a, pour réaliser ce documentaire, suivi une jeune fille égyptienne issue d’une famille aisée et ouverte, entre sa quinzième et sa vingtième année, Amal, nièce du maire du Caire, et fille de juge.

Le film est toujours au plus près d’Amal : par l’image d’abord, avec de nombreux gros plans sur son visage encore enfantin, et par le propos ensuite, car il raconte les espoirs/déceptions de cette jeune fille dont l’adolescence est contemporaine de la révolution arabe écrasée dans le sang par le maréchal Al-Sissi. Ces images montrent les moments de bonheur, d’insouciance, mais aussi les réflexions, l’engagement corps et âme de cette jeune fille, parfois au péril de sa vie pour une société plus juste et plus égalitaire.

Ce film se regarde comme le journal intime de cette jeune fille avec ses partis pris et ce mélange de vie publique/vie privée propre au genre. Il ne s’agit donc pas d’un brûlot politique argumenté mais du ressenti d’Amal au fur et à mesure du déroulement des événements qui ont secoué la société égyptienne de 2011 à 2016. Le film évoque les épreuves subies par Amal : la mort du père à 9 ans, de son amoureux lors des émeutes de Port-Saïd, sa tentative de suicide. Cependant le film ne s’apitoie pas sur cette adolescence délicate. Au contraire, ces épreuves semblent conforter Amal dans son envie de révolution et de justice. En effet Amal pose les questions récurrentes de la liberté d’expression, de l’égalité femme/homme et le problème des alternatives proposées par la société avec des élections qui laissent le choix entre la peste des intégristes et le choléra des généraux. Chacune, chacun, devra se positionner en fonction, non de ce qu’il juge de meilleur, mais de ce qu’il espère le moins pire. Ce qui nous est montré à travers ce portrait sont les espoirs, les révoltes, et renoncements d’une population. Toutes proportions gardées, on sent qu’il est urgent d’inventer une forme de démocratie qui ne soit pas soluble dans les élections, ce qui résonne aussi actuellement en France.

Cette lucidité politique et cette maturité contrastent avec les images de ce « grand enfant » souvent provocateur, dans la lignée d’une enfance heureuse dont le réalisateur utilise les images tournées par le père attentif et sensible à la vitalité de sa fille, et qui nous montrent une enfant espiègle et déjà provocatrice. Un portrait tout en espérance (Amal signifie espoir en arabe) et un regard pertinent venu de l’intérieur de la société égyptienne.

L.S.