Deux fils est l’histoire d’une famille composée par un père et ses deux fils où les femmes sont absentes physiquement, mais omniprésentes dans les pensées des personnages. En effet, la mère est partie, l’ainé vient de quitter sa petite amie et le cadet ne trouve pas d’amoureuse.

La distribution est ici idéale. Joseph, le paternel, est un ancien médecin reconverti secrètement en écrivain raté, qui est émouvant dans son désir de succès auprès d’un public, des femmes ou de ses fils. Il est joué par un Benoît Poelvoorde, qui, par sa seule présence, casse la part tragique du personnage. Vincent Lacoste est de son côté admirable dans l’interprétation de Joachim, le fils ainé. Et enfin Mathieu Capella, découvert après un casting de plusieurs centaines d’enfants, est tout simplement sublime dans le rôle du deuxième fils, Ivan.

Cette équipe permet de donner au film toute sa profondeur. Deux fils se révèle un film très délicat où les personnages sont en équilibre entre l’envie de gagner une relation, de tisser un lien, et de faire en même temps un deuil. D’abord celui de Jean, le frère de Joseph, mort au début du film, puis celui de leurs illusions amoureuses, intellectuelles, ou spirituelles pour Ivan. Ce subtil équilibre fait dire à son frère Joachim qu’il a « un sentiment ambivalent à l’endroit de la vie ».

Ce film met en scène une communication maladroite où les personnages n’arrivent pas à échanger simplement. Ils s’espionnent alors en tentant de capter des morceaux de conversations derrière une porte. Les frères se chambrent en permanence, alliant férocité et tendresse tout en voulant « sauver » soit leur père, soit l’autre. Dans une mise en scène très sobre, accompagnée d’une musique jazzy entrainante, Moati réussit ainsi le pari d’une vraie « comédie sérieuse » sur la renaissance des liens.

Deux frères est une fiction qui sait être intime et personnelle. Même s’il n’est pas un film autobiographique, le réalisateur indique qu’il y a mis beaucoup de lui-même et qu’il se reconnaît volontiers dans le personnage du plus jeune fils qui, du haut de ses 13 ans, dialoguerait à travers le film avec l’adulte qu’il est devenu. Peut-être est-ce pour cela que ce long-métrage sonne si juste ?

Laurent Schérer