Au Brésil, Laura, matriarche d’une grande famille bourgeoise retrouve toute sa tribu pour célébrer la nouvelle année et l’anniversaire de sa petite fille. C’est dans le sud du pays où subsiste la demeure familiale que se déroulent les festivités. Mais évidemment, rien ne se passe comme prévu et les retrouvailles donnent lieu à des tromperies et des règlements de compte. Il faut dire que Laura n’est pas commode, que son fils Eduardo est macho et homophobe, que sa belle-fille Bete a des envies de cocaïne et d’adultère, que la jeune employée de maison a décidé de se rebeller, et que la maison tombe en ruine. L’atmosphère de crise n’est pas arrangée par le grand bouleversement que rencontre le pays à ce moment : nous sommes le 1er janvier 2003 Luiz Inácio Lula da Silva dit « Lula », fondateur du parti travailleur, vient d’être élu président.

Domingo est le premier fruit d’une collaboration de deux réalisateurs confirmés : la documentariste Clara Linhart et le réalisateur Fellipe Barbosa, à qui on doit notamment Gabriel et la montagne (2017).  Comme leur contemporain Kleber Mendonça Filho (Les bruits de Recife, Aquarius), ils font partie de cette nouvelle génération de cinéastes brésiliens qui dénoncent les travers de leur pays par le biais d’œuvres singulières et de personnages subtils. Ici, Inès et sa fille, les deux employées de maison, portent sur leurs épaules tout le passé du sud du Brésil où l’esclavage fut encore pire qu’ailleurs. Les deux femmes sont respectées par Bete leur patronne, mais pas par Laura, figure de l’ancienne génération qui considère encore que le personnel doit être uniquement réduit à l’asservissement. Sa petite fille Valentina est au contraire représentative d’une nouvelle ère de liberté et de tolérance : elle déguise volontiers son petit cousin Diego en femme, ce qu’il semble beaucoup apprécier, au grand dam de son père qui perçoit la joie du travestissement comme une perversion homosexuelle chez son fils.

Le film se déroule sur une journée, ce qui suffit aux réalisateurs pour exprimer une pensée claire sur l’état du Brésil du début des années 2000. Mais Domingo n’est pas simplement une œuvre politique. Grâce à de petites trouvailles scénaristiques, un travail considérable sur le son (qui tient un rôle important dans la connexion entre les secrets que l’on pense bien gardés à l’intérieur, et les apparences extérieures) et sur la mise en scène (qui joue en permanence avec le dedans et le dehors, et avec les multiples cachettes pour passer de l’un à l’autre), le film est aussi une véritable comédie dramatique sous tension.

S.D.