Comment réussir un film sur la rencontre amoureuse ? Pourquoi suit-on sur la route de Berlin au Portugal, et avec grand plaisir, ces deux jeunes gens un peu paumés, décalés, bavards, dans un road movie dont les paysages sont, à quelques belles exceptions près, seulement esquissés et où il ne se passe rien ou presque ?

Le film de Hans Weingartner nous permet de faire la connaissance de Jule (Mala Emde) une étudiante de Berlin qui vient d’être recalée à son examen de biologie, et Jan (Anton Spieker), un garçon volontaire, karatéka et étudiant en sciences politiques à qui on vient d’annoncer que sa demande de bourse de post doctorat n’a pas été validée. Chacun à sa façon a des soucis avec la paternité : Jule est enceinte d’un homme qui n’est pas le compagnon qu’elle va retrouver au Portugal, alors que Jan part pour l’Espagne à la recherche de son père biologique, sa mère l’ayant conçu lors d’un rapport extra conjugal.

Alors comment ce film réussit-il le véritable tour de force de mêler le road movie décalé à la Jarmusch avec l’étude de l’expression des sentiments dans une veine intimiste à la Rohmer ?

Parce que ces jeunes parlent franchement, avec conviction et vivacité, de ce qui les préoccupe, des choses profondes et essentielles de leur vie, d’abord des sujets généraux (l’écologie, l’économie,) puis sociétaux (les rapports sociaux, la psychanalyse, la foi), puis plus intimes autour de la personne et du couple. Chacun présente à l’autre son idéal de société, son idéal de vie, se met à nu au cours de ce long voyage. Cette belle amitié se transformera-t-elle en amour ? On le souhaite pour les personnages, mais est-ce si important ? L’essentiel est dans l’échange et le respect mutuel construit au cours du voyage.

Les acteurs sont pour beaucoup dans la réussite du film. Ils charment le spectateur par un jeu authentique et des paroles pertinentes, sincères, sans la volonté de blesser ou d’imposer un point de vue, même si elles s’avèrent parfois maladroites.

Un film presque hypnotique, dans lequel on se sent à l’aise, presque en train de converser avec ces jeunes gens, dans une bienveillance qui tient le spectateur en immersion. C’est là peut-être que l’on tient la clef de la réussite : on s’y s’en bien, respecté, apaisé, et on voudrait continuer le voyage dans ce camping-car Mercedes 303.

Laurent Schérer