Depuis la loi du 27 septembre 2013, les patients hospitalisés sans consentement dans les hôpitaux psychiatriques doivent être présentés à un juge des libertés et de la détention dans les 12 jours qui suivent leur enfermement puis tous les six mois si nécessaire. Raymond Depardon filme pour la première fois ce nouvel espace-temps dans lequel les individus internés contre leur gré peuvent dire ce qu’ils pensent de leur enfermement à quelqu’un d’autre que les médecins de l’institution, dont le jugement est inévitablement biaisé par le rôle qu’ils y jouent. Pour assurer une neutralité de regard, le documentariste utilise trois caméras : les deux premières dédiées à chacun des protagonistes, la troisième à un plan d’ensemble les réunissant. Grâce à un montage classique, Raymond Depardon a l’humilité de laisser au spectateur la liberté d’exercer par lui-même son esprit critique afin de juger des mérites et des limites de cette nouvelle procédure censée permettre que les bonnes intentions de l’institution ne se transforment pas en abus de pouvoir sur l’individu. Pour nous laisser faire ce travail personnel de décantation, il ponctue les dix audiences qu’il nous donne successivement à voir par des séquences de « temps suspendu » dans lesquelles il pose sa caméra dans une partie commune de l’hôpital et capte l’errance ordinaire dont elle est le lieu. Ces respirations dans le documentaire sont également des interludes musicaux de la plus belle facture, mélodiques et langoureux, composés par notre Alexandre Desplat national, et dont la douceur parachève l’humanisme de 12 jours.

F.L.