Depuis le mois de juin, la commémoration du centenaire de la naissance d’Ingmar Berman (1918-2007) bat son plein. Ce documentaire est déjà le deuxième sortant en salle sur le plus célèbre cinéaste suédois, après À la recherche d’Ingmar Bergman de Margarethe von Trotta. A l’instar de cette dernière, Jane Magnusson se focalise aussi sur Le Septième sceau, mais pas exactement pour la même raison. Dans son cas c’est avant tout parce que ce film fut réalisé en 1957, année la plus productive de Bergman.

Cette année presque magique qui sert de fil rouge au documentaire vit non seulement la sortie en salle du Septième sceau, mais aussi celle des Fraises sauvages tourné pendant l’été, la diffusion d’un de ses téléfilms, et la création de deux pièces de théâtre et dramatiques radio. Sans parler d’un autre film, dont Bergman n’était que scénariste. Cela démontre à quel point ce fut un être bouillonnant et boulimique. L’idée centrale de Jane Magnusson dans ce documentaire émaillé de témoignages de proches du cinéaste et/ou de certains contemporains (y compris américains, comme l’actrice Barbra Streisand) et, bien sûr, d’extraits de films, est que le matériau privilégié du cinéma de Bergman était sa vie privée.

Pourtant, celle-ci ne fut pas très glorieuse. Voir la manière dont ce véritable don juan multipliait les conquêtes, cumulant maîtresses et épouses, faisant des enfants aux unes et aux autres, et les délaissant totalement sans le moindre scrupule. Ce grand artiste qui a traduit mieux que quiconque, dans son cinéma nuancé et psychologique, les complexités et les aléas de l’existence, était un peu un mufle. Il ne savait pas vivre. Son enfance aussi, vécue sous le joug d’un impitoyable père pasteur, lui a inspiré une de ses œuvres les plus magiques, Fanny et Alexandre.

Il est dommage qu’à force de scruter l’existence du cinéaste pour en expliquer l’œuvre, et à force de dévoiler ses vilenies à l’égard des femmes et certains de ses collaborateurs, Jane Magnusson finisse par négliger un peu la teneur purement artistique et dramaturgique de l’œuvre. Le fait qu’un artiste ait eu un comportement déplorable dans sa vie privée, comme Bergman ou bien Picasso, ne peut pas être la seule explication de son génie. Mais cette exploration poussée reste une mine pour les cinéphiles aguerris comme pour les néophytes, grâce à de nombreux témoignages inédits, des extraits à foison ; ils complètent cette vue en coupe, quoique parcellaire, de l’œuvre d’un homme qui fut un des phares de la création scandinave.

V. O.