Dans les montagnes péruviennes, Segundo, 14 ans, assiste son père Noé dans la fabrication de retables, dont la déclinaison locale se conjugue dans l’art traditionnel de représenter des scènes de fêtes religieuses, historiques ou culturelles avec des petites figurines en plâtre installées dans une boîte décorée. L’opération est longue, délicate, mais c’est avec joie que le père l’enseigne à son fils, espérant que celui-ci prenne un jour sa relève. A eux deux, ils parcourent la région pour livrer les retables et leur grande réputation leur vaut toujours un accueil chaleureux. Un jour lors d’une fête au village, Segundo surprend son père dans une situation très embarrassante. Choqué, le garçon est loin d’imaginer les conséquence désastreuses qu’aura la nouvelle une fois répandue dans toute la région…

Pour son premier long métrage,  le cinéaste péruvien Àlvaro Delgado-Aparicio rend hommage aux traditions de son pays filmant à la façon d’un documentaire de longues séquences du père et son fils au travail ou des scènes de folklore au village, avant d’y porter un regard clairement critique. Le monde rural dans lequel grandit le protagoniste est soumis à un régime extrêmement patriarcal dont son père fera lourdement les frais.

Planté dans un décor idyllique de montagnes verdoyantes, Mon père dépeint d’abord l’agréable routine d’une famille péruvienne modeste mais heureuse, avant d’aborder frontalement la violence à l’encontre d’un homme exclu pour sa différence. Noé est soudain banni par tout son entourage, y compris sa femme, et destitué de son titre de maître retable. Seul Segundo, représentant d’une nouvelle génération, aura la possibilité d’y réfléchir, et de remettre en question tout l’héritage culturel et religieux qui pèse lourd sur son éducation. “L’erreur” de Noé vaut-elle vraiment la peine pour son fils de se priver du père qu’il admirait tant ?

Comme un clin d’oeil aux retables dont il se sert pour ouvrir son récit, Àlvaro Delgado-Aparicio s’amuse à pratiquer souvent le surcadrage, plaçant ses personnages derrière une porte ou une fenêtre ; ils deviennent alors eux même les acteurs d’une de ces scénettes immortalisées dans le plâtre. Même si le film est imparfait, il contient ainsi quelques belles trouvailles de mise en scène, et porte un regard sensible sur une relation atypique d’un fils avec son père, le point de départ d’un beau récit d’apprentissage.

S.D.