Durant l’été 2016,  la québécoise Emilie B. Guérette s’est rendu au Brésil alors que les jeux olympiques battaient leur plein. Mais la documentariste a préféré placer sa caméra dans un immeuble désaffecté transformé en squat (appelé l’IBGE) plutôt que dans la frénésie du grand stade Maracaña, à la rencontre de ces familles qui vivent au milieu d’ordures et sans eau courante. Comme en 2014 lors de la Coupe du Monde de football, les jeux olympiques sont une nouvelle fois une triste raison de constater l’écart considérable entre les riches et les pauvres au Brésil. Ces événements sportifs sont aussi pour le pays l’occasion d’exclure encore plus ses populations défavorisées, en expropriant des dizaines de milliers de familles pour faire place nette aux touristes.

Derrière les montagnes d’ordures et les trafiquants de drogues, Emilie B. Guérette a su trouver sa place et gagner la confiance des habitants, et en particulier des habitantes, qui lui ont volontiers livré les peurs et les réjouissances de leur quotidien. Parmi elles, on découvre Liana, ancienne enfant de rue, désormais mère de sept enfants qui vend des bonbons à la sortie du stade ou Rina, elle aussi mère de famille, qui se bat pour la protection de ses filles et contre les violences sexuelles dont elle a elle-même été l’objet. Toutes ont la même espérance : pouvoir offrir à leurs enfants des conditions décentes de vie, qu’elles n’ont elles pas eu la chance d’avoir. Leur rêve est encore loin d’être réalisé puisque malgré leurs efforts et leur force, l’IBGE reste un endroit très précaire et dangereux, un lieu stratégique pour le trafic de drogue, où les fusillades ne sont pas rares. Et pourtant dans cet environnement hostile, la réalisatrice parvient à capter de beaux moments d’accalmie, où les enfants jouent sur les toits, où l’une des femmes profite d’une pédicure, où les hommes célèbrent une victoire sportive de leur pays qu’ils suivent sur un écran brouillé.

Emilie B. Guérette alterne entre plan fixe d’interview et caméra à l’épaule furtive qui déambule dans les couloirs du ghetto. Elle donne ainsi la parole à ces protagonistes de la misère, qui ne se plaignent jamais et font preuve d’un courage et d’une lucidité fascinante, tout en les inscrivant dans leur univers de béton délabré. Lorsque l’on s’approche du stade, qu’elle filme aussi de temps à autres, on est saisi par le contraste entre les pauvres et les supporters qui semblent tout ignorer de l’autre Rio. C’est uniquement lors d’une très belle scène du début que les gamins errants sont les mieux lotis : quand ils observent depuis le toit de l’immeuble le feu d’artifice de l’ouverture des jeux. Ils sont alors les rois du monde.

S.D.