Amoureux de l’univers des comédies musicales, je me devais à l’occasion de la sortie de 120 battements par minute de revenir sur ce film signé Olivier Ducastel et Jacques Martineau qui évoquait déjà en 1997 le SIDA et le combat d’Act Up.

La première chose qui interpelle dans Jeanne et le garçon formidable, c’est sa capacité à retrouver dès les premières minutes de film la force dramatique et l‘enchantement du plus grand réalisateur français (pour ma part bien entendu) : le bien nommé Jacques Demy, emporté par le VIH en 1990.

On retrouve son influence dans le film à travers ces élégants travelings aperçus dans Les demoiselles de Rochefort, mais aussi le travail subtil sur les arrière-plans conçus comme des fenêtres sur le monde où se déroule sans cesse une existence supplémentaire à celle des personnages. Les allusions fugaces au régiment, la légèreté dans les amours de Jeanne jouée par Virginie Ledoyen, appartiennent également au monde du cinéaste de Lola et des Parapluies. Mais surtout, Olivier Ducastel et Jacques Martineau savent que derrière le chant et autres entrechats, les films du grand Jacques évoquaient avant tout les dures réalités sociales d’une époque avec ses filles mères ou ses ouvriers tués par la police.

Jeanne et le Garçon formidable est à ce titre un témoignage des années SIDA, à travers l’histoire d’amour entre Jeanne et Mathieu, jeune séropositif incarné par Mathieu Demy (fils de Jacques). Le film fait preuve d’un tact et d’une délicatesse sans égal, ne tombant jamais dans le pathos, nous rappelant à chaque instant l’importance de la vie.  Sans oublier pour autant les travers de notre société, comme cette chanson sur la consommation ou cette valse des balayeurs sans papiers. Si le film est parfois violent dans ses propos, il est avant tout salutaire, nous rappelant l’homophobie ambiante, comme lorsque Jacques Bonnaffé chante « Quand un PD crève. Tout le monde s’en fout ». Les chansons dans ce métrage sont un révélateur de l’âme, elles sont la seule manière pour les personnages d’exprimer leurs sentiments, sans artifices ni mensonges.

Si Virginie Ledoyen est lumineuse dans tous les plans, Mathieu Demy n’est pas en reste avec un jeu tout en subtilité et jamais larmoyant. Quant à Jacques Bonnaffé, il trouve le rôle de sa vie en interprétant un militant d’Act Up toujours en lutte. Chaque personnage du film, qu’il soit un premier rôle ou une silhouette dans un plan, sert la narration, faisant de Jeanne et le garçon formidable une œuvre riche que l’on se plaît à voir et revoir.

L’ombre de Demy sur le film n’est jamais écrasante. Si les numéros du cinéaste nantais étaient absolument parfaits grâce à la musique savante de Michel Legrand et une mise en scène extrêmement riche, le film d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau possède pour sa part un aspect plus simple, presque artisanal, qui lui donne sa propre identité, permettant une identification plus facile pour les réfractaires aux comédies musicales.

À l’occasion de la sortie de 120 battements par Minute, il me semblait indispensable de vous inviter à revoir ce film aussi formidable !

 

Mad Will