Pour faire patienter les enfants avant le réveillon nous vous conseillons de leur proposer Oliver et Compagnie. Ce serait vraiment dommage de passer à côté de ce long-métrage qui n’a vraiment pas à rougir par rapport aux titres les plus populaires du studio Disney qui suivront comme La Belle et la Bête ou La Petite Sirène !

Le film sur Disney Plus  (à voir en VO pour les chansons !) : https://www.disneyplus.com/fr-fr/movies/oliver-et-compagnie

On évoque souvent La Petite Sirène ou La Belle et la Bête pour rappeler le début du second âge d’or des studios Disney, quand la firme est redevenue la référence en matière de longs-métrages animés grâce à des succès critiques et publics impressionnants. Une situation inespérée alors qu’au cours des années 80 Disney se faisait damer le pion par un ancien de la maison : Don Bluth. Cependant, on oublie trop souvent de citer Oliver et Compagnie , qui fut le premier succès dans l'animation pour les nouveaux patrons qui venaient d'arriver :  Michael Eisner et son bras droit Jeffrey Katzenberg.

On notera que c’est la deuxième adaptation dans la décennie de l’œuvre de Dickens, puisqu’avant de moderner Oliver Twist le studio avait produit en 1983 Le Noël de Mickey , d’après le conte Un chant de Noël de l’écrivain britannique. Si Le Noël de Mickey était plutôt fidèle à son matériel littéraire d’origine, Oliver et Compagnie n’avait pas beaucoup à voir avec le roman, même si on y retrouve des personnages tels que Roublard ou Fagin. Ce long-métrage a été conçu avant tout comme un retour aux films chantés, une vieille tradition de la maison qui avait été mise à mal sous la précédente direction avec des œuvres comme Taram et le chaudron magique , où ne résonnait pas la moindre chansonnette. Si Basil Détective privé , le précédent film de la firme, avait déjà réintroduit de façon décorative et assez timide quelque chansons, Oliver et Compagnie compte pour sa part cinq titres qui jouent un rôle primordial dans le récit. Nous sommes vraiment ici dans le cadre de la comédie musicale où chaque chanson est là pour révéler la personnalité du personnage et les conflits qui l’habitent. Disney souhaitait pour sa bande originale une musique plus contemporaine qu’à l’accoutumée. Les compostions du film orientées pop sorent alors dans l’esprit du Broadway de la fin des années 80. À ce titre, on notera la présence d’un certain Howard Ashman sur les paroles de la chanson Once Upon a Time in New York City. Un nom qui vous ne dit peut-être rien, mais qui sera essentiel dans l’histoire de la firme aux grandes oreilles. En effet, l’homme formera un duo légendaire avec Alan Menken sur les longs métrages suivants de Disney tels que La Petite Sirène . Menken et Ashman auraient été repérés suite au succès  sur les planches de leur comédie musicale La Petite Boutique des horreurs. Que ce soit Aladin ou La Petite Sirène , les duettistes signeront des chansons mémorables rappelant l’époque bénie des frères Sherman chez Disney, avec des titres cultes comme Supercalifragilisticexpialidociou pour Mary Poppins . Un duo qui sera brisé par la maladie et la disparition tragique d’Howard Ashman quelques années plus tard.

Si Oliver et Compagnie n’est pas le plus connu des Disney, c’est en raison de sa réputation de dessin animé low cost. Ce long-métrage a en effet souffert de la production au même moment de Qui veut la peau de Roger Rabbit , dont le budget initial avait été depuis longtemps dépassé, et qui réquisitionnait une partie des animateurs de la maison. Une situation qui allait entraîner des dissensions entre les deux têtes pensantes de Disney, Michael Eisner et Jeffrey Katzenberg, le premier reprochant au second de laisser le budget de Roger Rabbit enfler. Katzenberg lui aurait alors répondu qu’on ne pouvait rien refuser à Spielberg qui coproduisait le film. Surtout que celui-ci, avec Les Aventuriers de l'Arche perdue , avait permis à la Paramount de prospérer quand Eisner et Katzenberg y travaillaient. Ainsi, pour compenser les dépenses fastueuses du film de Zemeckis, George Scribner, le metteur en scène d’Oliver et Compagnie , se retrouve à devoir réaliser le long-métrage avec un budget très serré, utilisant la technologie dite de la Xerox pour limiter les coûts au maximum.

Mais au fait, c’est quoi cette fameuse Xerox dans le domaine de l’animation ? Pour comprendre son utilisation, je vous demanderai de vous projeter avec moi dans le passé, plus précisément en 1959. La Belle au bois dormant vient alors tout juste de sortir, et le film est loin d’être un champion du box-office. Le studio est en difficulté financière et commence à licencier massivement. Pour le prochain dessin animé, il est obligatoire de baisser les coûts. En effet, La Belle au bois dormant a coûté 6 millions de dollars, un budget monumental pour l’époque. Disney va alors utiliser à grande échelle les outils d’animation créés avec la célèbre firme Xerox. À présent, les dessins des animateurs seront directement imprimés sur les cellulos. Auparavant les dessins étaient tout d’abord nettoyés. On utilisait ainsi un calque pour isoler les lignes importantes. Ensuite, le calque devait être encré afin d’être retracé sur les cellulos. Si l’emploi de la Xerox est des plus efficace, le rendu est parfois flou à l’image et laisse souvent apparaître des restes de crayonnage. De plus, faute d’encreurs, on revient à des contours noirs assez grossiers pour différencier les personnages du décor comme dans les dessins animés des années 20. On retrouve ce type de détourage sur Oliver et Compagnie . Disney, de son vivant, n’appréciait pas cette technique et regrettait la perfection visuelle des films d’animation des années 50, mais les contraintes économiques furent plus importantes que ses désirs artistiques.

Enfin, Oliver et Compagnie . est le premier long-métrage de la firme à utiliser aussi massivement l’outil informatique. Si Basil, détective privé utilisait déjà l’ordinateur pour la scène des horloges, la plupart des objets présents dans Oliver et Compagnie ont été créés grâce à des micro-ordinateurs.

Même si Oliver et Compagnie n’est pas le long-métrage le plus impressionnant de la firme aux grandes oreilles, il est l’un des plus sympathiques produits par le géant du dessin animé. Ici pas de princesse à sauver ou de morale dégoulinante. Nous avons le droit à la représentation d’un New York contemporain et non à un conte de fées. Oliver est à ce titre l’un de mes films d'animation préférés de chez Disney surtout quand retentit la voix de Bette Midler ou celle d’un Billy Joel. L’interprète de tubes tels que Uptown Girl offre une prestation pleine de swing, absolument irrésistible sur Why Should I Worry. Si Billy Joel chante la meilleure chanson du film, d’autres titres de la bande originale comme Streets of Gold ou Once Upon a Time in New York City sont plutôt bien écrites et s’avèrent entraînantes. Depuis Les Aristochats, deux décennies plus tôt, la firme n’avait pas proposé de chansons aussi mémorables. La volonté de Disney d’appeler de nouveaux auteurs venant de Broadway s’avère ici payante.

L’autre grande force du film c’est sa galerie de chiens tous plus attachants les uns que les autres.  En premier lieu, nous avons Roublard, canidé filou à la morale à géométrie familiale. Roublard est juste cool, capable de se dépêtrer de n’importe quelle situation. C’est le chien de la rue au grand coeur. À ses côtés, nous retrouvons l’hallucinant Tito, un petit chihuahua haut en couleur. Petite frappe qui n’a peur de rien et qui drague la moindre chienne sur sa route, ce protagoniste montre que Disney à l’époque souhaitait en finir avec des personnages manichéens qui ne cessaient de faire   lamorale aux plus jeunes. Tito est vraiment sympathique même s’il faut bien se l’avouer, c’est une caricature de loubard chicanos. Nous avons également Francis le bouledogue déclamant du Shakespeare ainsi que la levrette persane Rita assez protectrice, dont les neurones semblent plus rapides que ceux du reste du groupe. Enfin, n’oublions pas Georgette, une horrible caniche snobinarde, mais plutôt attachante quand elle craque soudain pour notre petit chihuahua excentrique et oublie les différences de classes.  Des chiens hauts en couleur, plutôt excentriques à la différence de notre héros Oliver, un petit chaton dont le caractère n’est pas aussi prononcé que la bande de chiens qui le prend sous son aile.

Et le casting humain dans tout ça ?  Soyons clairs, l’Homo sapiens ne semble pas beaucoup intéresser les initiateurs du projet. Peu ou pas écrits, la société humaine se résume à deux castes. Nous avons d'un côté les nantis qui vivent dans leur bulle confortable sans se soucier du reste de la société, et de l'autre des humains avides de pouvoir qui vendraient père et mère pour devenir riches à leur tour. Seule exception, Fagin, dont le bon coeur finira par le convaincre d’agir pas seulement pour de l’argent. À l’inverse, le groupe formé par les chiens des rues est beaucoup plus solidaire. Ils vivent de chapardage pour survivre, privilégiant l’amitié à l’argent.  Au final, c’est bel et bien Roublard et sa bande qui sont les héros de l’histoire et non le chaton Olivier qui privilégie le confort à la liberté en restant au côté de la petite Jenny. Pour une fois chez Disney, le prolétariat est encensé par rapport à la bourgeoisie !

Oliver et Compagnie ne multiplie pas les exploits techniques. C’est un film simple qui nous offre cependant des personnages d'animaux hauts en couleur, parmi les plus sympathiques de la galaxie Disney à l'image des chiens Roublard ou Tito. Ce serait vraiment dommage que vous passiez à côté de ce long-métrage qui n’a vraiment pas à rougir par rapport aux titres les plus populaires du studio qui suivront comme La Belle et la Bête ou La Petite Sirène bien plus manichéens et moralisants que cette adaptation d’Oliver Twist.

Mad Will

Le film sur Disney Plus  (à voir en VO pour les chansons !) : https://www.disneyplus.com/fr-fr/movies/oliver-et-compagnie