Quand il trouve sur sa ronde un sac rempli de billets de banque, Tzanko (Stefan Denolyubov) appelle tout naturellement les fonctionnaires de police pour le leur signaler. Alors que ses collègues se rient de sa candeur, l’Etat décide d’en faire un exemple national de la probité de ses agents. Lors de la cérémonie, la responsable des relations publiques (Margita Gosheva) lui ôte la montre qu’il porte au poignet afin que le Ministre des Transports lui en offre une flambant neuve. Plus préoccupée par son programme d’insémination artificielle que par la valeur sentimentale que le cantonnier confère à sa vieille Glory, cadeau paternel, elle l’égare au lieu de la lui rendre. Dans les jours qui suivent, l’humble travailleur fait tout ce qui est en son pouvoir pour la récupérer.

Amer, parfois à la limite du supportable, Glory met en scène sans jamais l’édulcorer le cynisme du rapport de force entre classes sociales opposées. Du début à la fin du film, nous suivons ainsi les destins croisés d’un ouvrier vivant modestement de son travail et de l’affection qu’il prodigue à ses lapins, et d’une ministre quadragénaire congelant des embryons. Le premier est sans cesse utilisé ou méprisé par une administration kafkaïenne, tandis que la seconde est toujours entourée d’une valetaille à ses ordres. En mettant en scène les comportements antithétiques d’un membre parfaitement désintéressé du lumpenprolétariat et d’une ambitieuse bourgeoise, Kristina Grozeva et Petar Valchanov tissent une parabole acerbe sur la place de faire-valoir que l’élite gouvernante accorde au peuple.

F.L.