Tom Savini qui a commencé sa carrière en collaborant au crépusculaire Le Mort-vivant de Bob Clark, est une figure du fantastique. Ce maquilleur de génie et ancien photographe de guerre au Vietnam est devenu célèbre pour ses collaborations avec George Romero pour lequel il a créé de nombreux maquillages et fait l’acteur, apparaissant dans CreepshowZombie ou encore dans le crépusculaire Knightriders.

Savini qui a connu l’enfer de sa guerre a apporté au cinéma un réalisme assez unique dans ses maquillages horrifiques. Il a ainsi apposé son nom au générique en tant que technicien à des œuvres cultes comme Vendredi 13 et Maniac et collaboré avec le Maestro Argento sur Trauma et Deux yeux maléfiques. Figure respectée du cinéma, il a fait des apparitions en tant qu’acteur chez Tarantino et Rodriguez sur Une nuit en Enfer et il joue même dans un épisode des Simpson ! Savini a été également réalisateur, signant 3 épisodes de la série Tales from the Darkside. Il fut choisi par Romero pour réaliser le remake de La nuit des morts-vivants que vous pouvez retrouver sur Netflix et sur lequel nous allons revenir ici.

La décision de faire un remake à La nuit des morts-vivants est liée à un problème administratif. En 1968, le long-métrage va changer de nom juste avant sa sortie en salles, mais le distributeur peu expérimenté va oublier la mention du copyright sur certaines copies. En conséquence de quoi, le film est définitivement entré dans le domaine public sur le territoire américain. N’ayant peu ou pas touché d’argent sur une oeuvre essentielle de la culture populaire, il fut envisagé par Romero, le scénariste John A. Russo et le producteur Russell Streiner de proposer un remake pour enfin récupérer des dividendes sur ce long-métrage culte. Il est difficile de blâmer l’équipe qui avait misé en 1968 son propre argent et prit beaucoup de risque pour un film qui aurait dû leur rapporter des millions de dollars. Cette nouvelle Nuit des morts-vivantscompte également un producteur bien connu des fans de Chuck Norris, le flibustier du cinéma Menahem Golan qui oeuvra pendant 10 ans au sein de la Cannon.

Le remake de Savini est une oeuvre assez fascinante dans la manière qu’elle a de rester fidèle au premier opus tout en y apportant de subtils changements. Au premier abord, les deux films sont semblables avec cette baraque abandonnée en proie à des attaques de zombies où ces personnages aux patronymes identiques qui essayent de survivre. Pour autant, Savini nous rejoue le film tout en apportant de subtils changements comme dans cette ouverture où l’assaillant n’est pas celui qu’on croit. Le meilleur exemple est la mort de la mère par son enfant qui est ici signifiée par un plan sur une truelle pleine de sang qui fera sens pour l’amateur du film de 1968. De la même manière, Savini nous offre de nouveaux zombies dont les maquillages sont extraordinaires. John Vulich et Everett Burrell ont conçu une armée de morts de toute taille et de tout poids, ou chaque maquillage est unique et original. Il y en aura donc pour tous les goûts chez les amateurs de chair avariée.

Plus axé sur l’action, La nuit des morts-vivants version 1990 est une charge moins virulente contre les médias et le racisme que son auguste aîné. Pour autant, ce remake a d'évidentes qualités. En effet, Savini reste très sérieux dans son traitement de la peur à une époque où l’horreur et le rire étaient souvent associés. Il signe ici un métrage âpre sans esbroufe qui clouera à son siège le spectateur qui ne connaît pas l’original. Sa réalisation est très efficace et il dirige bien ses acteurs. Tony Todd est sobre ce qui est assez exceptionnel chez lui. Quant au personnage de Barbara interprété par Patricia Tallman, il est beaucoup plus intéressant que dans la version de 1968. Si le premier La Nuit Des Morts Vivants était en avance sur son temps en mettant en scène un héros de couleur noire, il était quand même bien machiste avec des personnages féminins réduits au statut de victimes.

Ce remake est un parfait miroir des films de zombies de Romero qui ont succédé à La Nuit des morts-vivants de 1968 où les survivants sont plus horribles que les créatures qu’ils combattent. La conclusion crépusculaire de ce remake introduit parfaitement Zombie, le deuxième volet signé Romero et produit par Argento, que ce soit esthétiquement ou thématiquement, en annonçant une Amérique aux mains de rednecks décérébrés dont l'actuel président des USA est une parfaite incarnation.

Ce remake est une excellente surprise quand on sait que Savini confie avoir eu de grandes difficultés à imposer sa vision à certains de ses  producteurs. On peut supposer que l'homme visait l'envahissant Menahem Golan qui n’a jamais la trésorerie suffisante pour finir, voir commencer, les tournages. On se souvient de cette anecdote rapportée par Barbet Schroeder qui expliqua avoir menacé de se couper un doigt dans le bureau de Menahem pour finir Barfly.

Un long-métrage fidèle à l’oeuvre de Romero que nous invitons à découvrir !

Mad Will