Retour aujourd’hui sur le Braindead de Peter Jackson qui marqua toute une génération d’amoureux du film gore qui tache. Devenu culte pour l’adolescent que j’étais alors grâce à sa diffusion sur Canal plus, le film clôturait en feux d’artifice une trilogie de films qui littéralement giclent à l’écran : Bad Taste, The Feebles et Braindead.

Après cette trilogie faite de tripailles et de latex, le cinéaste de la Terre du Milieu allait s’attaquer au drame avec Créatures Célestes et au faux documentaire à tendance cinéphile avec le réjouissant Forgotten Silver. Puis viendra enfin Fantômes contre fantômes, un long-métrage dans la lignée du cinéma de Zemeckis que je vous recommande vivement. Ce dernier film marquera son entrée à Hollywood où il mènera la carrière qu’on lui connaît ensuite avec ses adaptations de Tolkien.

Mais revenons à Braindead qui est un film charnière pour Peter Jackson.

Sur son premier opus Bad Taste, Jackson n’avait pas d’argent. Grâce à une grande persévérance, il signe tout de même une œuvre qui réussit à dépasser le cadre du simple film amateur. Son second film réalisé avec 750 000 dollars, The Feebles, est une variation trash du Muppet Show, un concentré d’humour graveleux flirtant souvent avec les limites du bon goût. Film inventif, mais dont l’outrance et la noirceur limitaient néanmoins son accessibilité à un public plus large, ce sera avec son troisième opus Braindead qu’il sera reconnu par un plus large public à l’international.

Braindead n’est pas nanti d’un gros budget (estimé à 3 millions de dollars) alors même qu’il contient de nombreux effets. Mais on reste émerveillé de la maîtrise visuelle de Jackson et de sa générosité en termes de rythme et d’effets spéciaux. À noter que le film est financé par les aides au cinéma de Nouvelle-Zélande qui commençait à reconnaître son travail après l’avoir ignoré à ses débuts.

Braindead est le plus abordable des films de son début de carrière. Bien qu’extrêmement gore, parfois annoncé comme l’œuvre déversant le plus d’hémoglobine à l’écran, le long-métrage reste tout de même plus léger et moins agressif que ses précédents opus, s’apparentant à un dessin animé à la Tex Avery couleur sang. Avec pour la première fois un casting professionnel devant la caméra, le jeu inspiré du burlesque des comédiens permet de créer de la distance par rapport aux litres de sang versés.

Dès le prégénérique, le cinéaste nous annonce grâce à un intertitre que l’action se passe à Skull Island. Nom mythique pour le fan de fantastique qui renvoie à l’île de King Kong, Peter Jackson indique déjà son amour pour ce classique du cinéma qu’il remakera une décennie plus tard.

Contre-plongées prononcées, montage cut, gros plans outranciers, la mise en scène est extrêmement rythmée. Le prégénérique se conclut par une main tranchée et une gerbe de sang qui dessine le titre du film sur l’écran. Humour et tripailles, le spectacle est annoncé.

Puis, dès les premières images du générique, on sent l’envie du réalisateur de proposer des séquences de cinéma amples qui s’inscrivent dans un imaginaire au-delà du cinéma d’horreur. Les plans d’avion sont typiques des films d’aventure, la succession de travellings sur la ville qui nous introduisent le personnage de Paquita, rappelle les polars noirs d’Hollywood, et n’oublions pas l’abominable singe rat dont l’animation image par image fait penser à Ray Harryhausen et Willis O'Brien.

Quand on revoit Braindead, on est frappé par le soin apporté par Peter Jackson pour construire ses personnages. Dans le cinéma gore, les intrigues sont rarement aussi développées, Le récit dans Braindead s’inspire de nombreux genres tels que le thriller ou le film d’heroic fantasy.

Avec son héros muni de sa tondeuse à gazon à la lame acérée qui va découper les monstres de l’enfer, l’imagerie chevaleresque n’est jamais loin. Comment ne pas évoquer le personnage de Paquita dans la scène finale qui renvoie à la figure de la princesse à sauver face au dragon ?

Enfin, la grand-mère de Paquita rappelle Gandalf le magicien avec l’objet magique qu’elle offre aux deux tourtereaux. La scène du tarot avec ses cartes aux motifs chevaleresques est symptomatique de cette écriture du merveilleux qu’on verra à l’œuvre dans son adaptation de Tolkien.

Le film évoque aussi les thrillers psychologiques. Le passé entourant la mort du père de Lionel rappelle le Psychose d’Hitchcock. Sauf que là, notre héros ne va pas devenir fou et finira par prendre les armes contre la mère castratrice. À l’instar du giallo, la psychanalyse et plus particulièrement l’analyse de rêves joue un grand rôle. La maison où il faut gravir les étages pour s’approcher de la vérité dissimulée dans le grenier est une symbolique présente dans les manuels traitant de l’analyse des songes. L’affrontement entre le héros et l’horrible monstre géant qu’est devenu sa mère, qui ressemble à un monstre créé par Gérard Scarfe dans The Wall d’Alan Parker est parlante.  Elle avale ainsi littéralement son fils avant que celui-ci ne finisse par l’éventrer.

Mais avant tout, Jackson est un réalisateur à l’efficacité redoutable qui aime divertir son public. Avec son humour punk où tous les puritains en prennent pour leur grade, Jackson fait preuve d’un talent comique indéniable comme avec la scène du bébé zombie dans le parc qui me fait toujours autant rire presque 30 après. Poussant l’outrance jusqu’à faire ressembler son film à un cartoon d’Itchy et Scratchy, il nous propose un divertissement pensé pour les zygomatiques des spectateurs.

À souligner l’excellente version française qui contient des répliques devenues cultes. Je vous citerais ma préférée comme épitaphe de cette critique. Elle est déclamée par un curé karatéka : « Au nom du Seigneur, je vous botte le cul ! »

Une comédie gore pour public averti (-16 ans) à voir ou à revoir !

Mad Will