Malavida propose à partir du 10 mai la seconde partie du cycle de la rétrospective « Louis Malle gentleman provocateur ». Sont au programme Lacombe Lucien (1974), Milou en mai (1990) et Au revoir les enfants (1987), ces films étant des versions restaurées par Gaumont. Nous avons choisi de revenir sur ce dernier film, lion d’or à Venise, prix Louis Delluc, et multi primé aux Oscars, qui relate des faits inspirés par la vie de son réalisateur.

Julien est collégien dans le lycée catholique Saint Jean de la croix. Un jour, il fait la connaissance d’un nouveau camarade, Jean Bonnet. Partageant leur vie entre les cours et les petites combines, le réalisateur nous décrit ici la vie de jeunes adolescents qui s’adaptent tant bien que mal à la vie sous l’occupant. Dans une atmosphère austère, froide et sombre, nous sommes en janvier 1944, les robes noires des moines faisant écho aux uniformes bleu marine des élèves, une amitié se tisse entre les deux jeunes garçons.

Ce qui frappe dans ce film c’est son authenticité. Louis Malle a su parfaitement représenter la construction de ces jeunes adultes en devenir, écartelés entre leur besoin d’amour et de sécurité, leur envie d’affirmation, l’empathie et la recherche d’amitié. Il montre ainsi l’ambivalence qui régit les relations entre jeunes en nous donnant à voir des êtres sensibles, touchants et émouvants. Quant à l’institution religieuse, elle semble aussi naviguer « à vue » à l’instar d’un père supérieur qui cache des juifs mais qui dans le même temps ne donne pas à Jean la communion que celui-ci réclamait pourtant. Ces atermoiements psychologiques ne résisteront cependant pas aux faits qui détermineront au final une limite claire entre le bien et le mal.

Tourné presque en totalité entre les murs de l’institution, ce film est d’une grande sobriété compte tenu du sujet. La menace, sauf dans la scène finale, est presque toujours latente, hors champ. On entend les sirènes des alertes mais on ne voit pas la guerre, les camps de concentration sont évoqués par leur nom, les disparitions par l’absence de nouvelles. Et la peur n’est pas toujours évoquée à bon escient : les loups dans la forêt que craignent les enfants égarés ne sont qu’imaginaires alors que la présence des soldats nazis est bien réelle. Cette imagination plus marquante que des images permet ainsi à ce film d’être « habité » par l’horreur consécutive au racisme et à la haine. Un film tout simplement indispensable quand on voit l’avis de certains de nos concitoyens sur la Shoah quatre-vingts années après l’horreur.

Laurent Schérer