Vêtues de minishorts affriolants, une bande de lycéennes (parmi lesquelles l’hypnotisante Valentina Herszage, sacrée meilleure actrice à Rio en 2015) arpente un immense terrain vague, théâtre la nuit de viols et de meurtres de femmes à peine plus âgées qu’elles. Au lieu de les apeurer, cette actualité macabre alimente les fantasmes de leur sexualité naissante. Les adolescentes s’excitent mutuellement en se racontant les rêves érotiques que cette troublante intrication de l’amour et de la mort fait jaillir en elles, tandis que l’assassin rôde toujours…  

Mate-me por favor, malgré sa thématique en apparence sordide, allie en réalité éclat et mordant. On peut même avancer que rarement le désir sexuel féminin aura été traitée de manière aussi solaire. La caméra de la réalisatrice effleure en effet au plus près les corps de ses jeunes actrices, leur peau ferme comme un pétale de rose fraîchement éclose, leurs jambes s’agitant dans des élans de candeur juvénile, leurs regards goulus et leurs lèvres gourmandes.

Loin de se contenter de faire un film érotique pop pour adolescents, Anita Rocha da Silveira explore d’un œil moqueur les injonctions paradoxales de l’idéologie dominante, empêtrée dans de sempiternels mouvements de va-et-vient entre libéralisme et puritanisme, considérant respectivement le désir comme la manne, et l’ennemi. Pour ce faire, elle filme alternativement l’appétit sexuel des jeunes filles en fleur dans toute son exubérance et l'envie de le réprimer qu'il provoque chez les hommes, les religions et les femmes concurrentes. Grâce au montage parallèle de mises en scène érotisantes, d’instantanés auto-promotionnels destinés aux réseaux sociaux et de séances de prêche évangélique, la réalisatrice pointe avec une causticité malicieuse les contradictions d’une société où céder à ses pulsions est tout à la fois encouragé par le marketing et prohibé par la morale religieuse ou républicaine. Elle ose même aborder frontalement - mais sans jamais tomber dans la vulgarité - les conséquences morbides potentielles de cet alliage explosif entre les incitations du consumérisme à s'hypersexualiser pour se présenter à l'autre comme une marchandise alléchante et la persistance d’une norme sexuelle pudibonde.

Si cette problématique en elle-même n'a rien de drôle, l’esthétique résolument parodique qu’impose la réalisatrice fait de Mate-me por favor non pas une fresque pessimiste des turpitudes de l’époque, mais d’abord et avant tout un contre-point ironique. Un peu à la manière de Nicolas Winding Refn dans son récent Neon Demon, la Brésilienne s’amuse à surenchérir dans le kitsch clipesque, assumant une position de complice critique de notre société fascinée par la beauté juvénile. A la différence de son provocateur collègue danois, elle ne bascule cependant pas in fine dans la cruauté aseptisée, persistant au contraire fort pertinemment dans la vitalité baroque en orchestrant le triomphe de l’appétit de la vie sur la peur de la mort.

F.L.