Malpertuis est d'abord le chef-d’oeuvre de la littérature fantastique belge signé Jean Ray, le Edgar Allan Poe du « plat pays ». Concernant son adaptation, je parlerai ici de la version en flamand de 119 minutes montée par Harry Kümel et disponible chez Malavida dans une édition DVD malheureusement épuisée. Il faut savoir que pendant de longues années, la seule copie exploitée dans l’hexagone et dans le reste de l’Europe fut le montage de 107 minutes (signé Richard Marden) présenté à Cannes dans les années 70. Une version reniée par le réalisateur du cultissime Les Lèvres rouges, l’un des tout meilleurs films européens sur le vampirisme avec Delphine Seyrig.

Ce qui frappe d’emblée quand on voit Malpertuis, c’est la superbe photo de Gerry Fisher, chef opérateur anglais reconnu qui aura mis en lumière de nombreux films de Joseph Losey mais aussi le Terreur Aveugle de Richard Fleischer. Sa photographie travaillée participe à l’ambiance fantastique et étouffante d’un joyau visuel signé par un formaliste haïssant au plus haut point le caractère littéraire de la Nouvelle Vague. Dans Malpertuis, il semble avoir soigné le moindre de ses cadres avec un souci maladif du détail, truffant ses images de fausses perspectives afin de faire de la demeure hantée du film un monde où se perd chacun de ses personnages.

Pour le casting principal, nous retrouvons des comédiens chevronnés tels que Michel Bouquet et Jean-Pierre Cassel sans oublier des acteurs flamands et connus en Belgique tels que Charles Janssen.  Enfin, dans le rôle du rosicrucien à l’origine de l’étrange malédiction qui touche la demeure de Malpertuis, nous avons Orson Welles livrant une prestation impeccable, mais qui s’avérera insupportable sur le plateau.

Malpertuis était tout simplement inadaptable. Comment rendre à l’image un roman écrit sur plus de 13 ans et pensé comme un collage surréaliste, mêlant différentes temporalités et multipliant les narrateurs ? Soyons francs, Harry Kümel ne réussit pas totalement son adaptation qui se vit avant tout comme une expérience esthétique. Il le reconnaît lui-même, il a été un peu trop présomptueux avec Malpertuis. Si le film se perd souvent et rate sa conclusion, l’étrange étrangeté et l’écriture baroque de Jean Ray sont rendues à merveille par un visuel splendide où chaque plan ressemble à une peinture. Un film indéfinissable qui montre la richesse du cinéma fantastique européen.

Mad Will