Roubaix, une lumière , d'Arnaud Desplechin, est un film lumineux et éclairé sur notre monde contemporain où le réalisateur français se réapproprie les codes du genre policier.

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La critique :

Lumière sur Roubaix un soir de Noël, tandis que le commissaire Daoud (Roschdy Zem, magistral) règle les affaires courantes : voitures brûlées, viols, disparitions. La découverte du corps inanimé d’une vieille dame dans un lotissement voisin va particulièrement attirer l’attention de Daoud et de sa dernière recrue, Louis (Antoine Reinartz). Alors que le commissaire impressionne par son calme et sa réserve, le jeune lieutenant se laisse facilement déborder par la colère et le doute. Mais ensemble, ils partagent l’obsession de la vérité et soupçonnent Claude et Marie (Léa Seydoux et Sara Forestier), les deux étranges voisines de la défunte, d’être à l’origine du crime.

Cinéaste romanesque et cérébral, Arnaud Desplechin attise la curiosité lorsqu’il décide de s’attaquer au genre très codé du film policier. Les premières minutes en remplissent parfaitement le cahier des charges, les interrogatoires s’enchaînent, on y retrouve l'éternel personnage du commissaire solitaire et implacable qui gagne à tous les coups, jusqu’à l’arrivée d’une affaire qui va d’emblée lui donner du fil à retordre. Mais soudain le temps s’arrête, et les protagonistes, au lieu de se dévoiler comme de coutume, s’opacifient, et l’enquête cohabite avec le portrait de la ville de Roubaix dont le cinéaste est originaire. Voisine de Lille, la cité du Nord a troqué son titre de reine du textile contre celui de championne du Pôle-emploi et demeure l’une des plus pauvres de France. Claude et Marie en sont la représentation. Les deux jeunes femmes, sans travail, mère célibataire pour l’une, vivent à deux dans un appartement insalubre et dans une insécurité permanente mais unies par l’amour et la protection qu’elles s’apportent. Pour Daoud et son équipe, elles sont les coupables idéales, motivées par la précarité et l’envie d’en finir avec la vie crasseuse qui leur est destinée. Ce qui importe le commissaire ce n’est pas tellement la faute mais le mobile qu’elle dissimule. Roubaix devient l’image d’un monde infâme, où les optimistes comme Louis sont perdus d’avance, où les malheureux s’accusent les uns les autres, et où il fait gris presque éternellement. C’est à cela qu’Arnaud Desplechin par l’intermédiaire de Daoud riposte, faisant d’un fait divers (qui eut d’ailleurs véritablement lieu en 2002) une histoire profondément humaniste.

Ici la parole est strictement nécessaire, à l’inverse des bavardages (au demeurant souvent sublimes) des récurrents Paul Dédalus et autres Ismaël Vuillard des précédents films de Desplechin. À l’image de l’obsession des policiers pour le mot exact (on sait combien les dépositions doivent être précises), les dialogues annexes à l’enquête sont eux aussi sans fioritures. C’est lors d’une scène finale de reconstitution que la mise en scène rejoint l’écriture, alors que les coupables présumés rejouent inlassablement la scène du crime, sous les yeux affutés des justiciers en recherche de l’angle et de la position justes des corps.

Roubaix, une lumière est au premier abord un objet surprenant lorsque l’on connait la filmographie de son auteur, puis se construit délicatement au fur et à mesure que son sujet se déploie, restant finalement fidèle à son regard lumineux et éclairé sur le contemporain.

Suzanne Dureau

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La bande annonce :