« Le rock français c’est comme le vin anglais » avait déclaré de façon sarcastique John Lennon quand on l’interrogeait sur la scène française rock. Cette vision assez négative sur la pop made in France est encore partagée par bon nombre de nos concitoyens qui considèrent qu’il il a fallu attendre l’explosion de la scène électro française avec la French touch (Air, Daft punk et consort…) pour que notre pays puisse tirer son épingle du jeu dans le paysage musical mondial. Le documentaire Des jeunes gens mödernes a le mérite de montrer qu’à l’aube des années 80, la France a compté bon nombre de groupes intéressants voir précurseurs à l’époque où la musique se faisait à coup de riffs endiablés sur des guitares électriques auxquels on rajoutait des volutes de synthétiseurs analogiques ou des boîtes à rythmes encore balbutiantes.

Grâce à Outbuster, vous allez replonger dans la new wave française (les puristes parleront ici de cold wave en raison des compositions très minimalistes et froides) qui vit l’explosion de la scène rennaise avec des artistes comme Marquis de Sade ou Etienne Daho. Ce bouillonement artistique permettra l’avènement de groupes qui finiront par truster les charts comme Les Rita Mitsouko qui seront produits au cours des années 80 par l’immense Tony Visconti, l’homme qui façonna le son des disques de Bowie tels que Lodger, Heroes ou The Man Who Sold the World.

D’un point de vue cinématographique, le documentaire Des jeunes gens mödernes n’a pas un grand intérêt. En effet, nous avons surtout le droit à un collage de différentes interviews des artistes de l’époque qui ont été collectées par le réalisateur. Pour autant, il me semble nécessaire de regarder ce film si vous êtes un tant soit peu intéressé par l’histoire de la musique dans notre beau pays. En effet, Des jeunes gens mödernes permet d’en finir avec cette fâcheuse idée que la création musicale hexagonale se limitait à la variété avant le début des années 2000.

Pendant une heure et demie, vous allez donc découvrir ou redécouvrir les créations d’artistes comme Jacno, Eli Medereiros ou d’un Daniel Darc à l’époque où il officiait en tant que chanteur de Taxi Girl. Concernant ce dernier groupe, je vous rappelle que son guitariste Mirwais est devenu depuis un chantre de la musique électronique et produit les albums de Madonna. Cet exemple montre oh combien la musique d’une époque est toujours influencée par le passé même si elle se revendique comme moderne.

Le film commence en citant l‘article de Patrick Zerbib du magazine Actuel en février 1980, intitulé « Les jeunes gens modernes aiment leurs mamans » où cinq musiciens (venant d’Artefact ou de Marquis de Sade) posaient avec leur mère. Le long-métrage nous dévoile alors l’avènement d’une scène musicale française qui va naitre sur les cendres du punk et proposer une musique nihiliste fortement inspirée des expérimentations électroniques de groupes allemands tels que Kraftwerk.

Cette révolution culturelle ne se limitera pas à la musique puisque des graphistes inspirés par le collectif Bazooka ou des artistes tels que Caro et Jeunet avec Le Bunker de la dernière rafale, vont façonner autour du mouvement une esthétique qui sera fortement inspirée par l’expressionnisme allemand et les visuels de propagande soviétique. Enfin, n’oublions pas les écrits de Yves Adrien ou Jean-Yves Perrin qui vont théoriser la révolution musicale qui se passait alors en France.

L’autre grande force de ce documentaire est son caractère politique. En effet, le réalisateur nous montre que ces jeunes gens modernes finiront par s’embourgeoiser et se perdre au moment de l’arrivée de Mitterrand au pouvoir. N’ayant plus de droite conservatrice à pourfendre, le mouvement se délitera dans l’enfer des paradis artificiels dans les boîtes à la mode de l’époque comme Les Bains Douches ou Le Palace.

Le documentaire de Jérôme de Missolz nous fait découvrir un pan de l’histoire musicale français trop méconnu, je vous invite donc si vous êtes mélomane, à regarder le film sur Outbuster à cette adresse : https://www.outbuster.com/j-me-la-pete/desjeunesgensmodernes.

Mad Will