L'Arme Fatale 2   fut une expérience difficile pour le scénariste Shane Black qui a signé le script du Dernier Samaritain . Celui-ci a en effet vu son scénario réécrit en grande partie par Jeffrey Boam qui a fait de cette suite, un film grand public qui reste très éloigné du premier volet en matière de violence. Shane Black s’interrogeait à cette époque sur sa place à Hollywood où ses scénarii étaient achetés à prix d’or (Le Dernier Samaritain lui a en effet rapporté plus d’un million de dollars) pour être ensuite totalement réécrits. À l’image de sa dernière réalisation The Predator , qui a été mutilée par la Fox avant même la sortie du film, l'incompréhension semble encore perdurer en 2018 entre un Black devenu depuis cinéaste et les studios qui l'emploient.

Il faut savoir que le premier titre du Dernier Samaritain en VO (The Last Boy Scout) était Die hard.  Alors qu’il supervisait la production de Piège de cristal, Joel Silver a eu vent du projet et il est tombé amoureux de ce titre. Il versa alors une forte somme d’argent pour pouvoir l'utiliser sur les aventures de John McClane. Le producteur fera la même chose quelques années plus tard quand il empruntera le titre Matrix  à la suite de Commando  avec Arnold Schwarzenegger.

Quand Silver lance le projet Le Dernier Samaritain, il est convaincu de produire un futur hit au box-office. Il a en effet engagé le réalisateur Tony Scott connu pour Top Gun, le scénariste Shane Black révélé par le premier L'Arme fatale et enfin le film peut compter sur la présence de Bruce Willis. 3 personnalités à l'origine des plus gros succès des années 80 !

Quand Bruce Willis arrive sur le projet, il demande à Black de modifier le personnage de la femme du héros. Il refusait que celle-ci se fasse enlever par les mafiosos du film, car il craignait que les spectateurs confondent Le Dernier Samaritain  avec Piège de Cristal  où il sauvait déjà sa moitié. L’autre gros changement sur le scénario vient du studio qui ne voulait pas du grand méchant du scénario original. Le bad guy du Dernier Samaritain devait être un fils à papa protégé par son père sénateur. Un personnage défiguré et psychopathe, également pédophile, dans la lignée du Yellow Bastarddu comics Sin City de Frank Miller.

Il n’est pas étonnant que Black et Miller aient créé des personnages assez ressemblants, tant ses deux créateurs sont influencés avant tout par le film noir. Même si Le Dernier Samaritain est un long-métrage pétaradant avec des gunfights et autres joyeusetés du cinéma d’action d‘alors, c’est aussi une œuvre fortement influencée par les récits de privés à la Dashiell Hammett. Bruce Willis détective de son état est ainsi présenté comme un antihéros alcoolique dont la femme le trompe. Pas de grandes enquêtes à la Poirot dans des milieux bourgeois feutrés, notre héros patauge ici dans les bas fonds à la manière d'un Philipp Marlowe. Il doit ainsi jouer au garde du corps pour une prostituée dans un monde présenté comme corrompu. Black se joue ici des clichés du film noir tandis que Tony Scott  reprend l’imagerie du genre avec des images en clair-obscur dans le premier tiers du long-métrage.

Le Dernier Samaritain reprend également le principe du buddy movie qui avait été popularisé dans les années 80 avec 48 heures Black adjoint ainsi à Willis un personnage de joueur de football américain interprété par Damon Wayans qui sera connu plus tard pour la sitcom Ma famille d'abord. Par rapport aux oeuvres références du genre telles que L'Arme Fatale ou bien encore Double détente , Le Dernier Samaritain  ne joue pas sur l’opposition entre les deux personnages.

Le Dernier Samaritain marchera plutôt convenablement en salles, obtenant 60 millions de dollars au box-office. Pas un échec, mais un résultat néanmoins insuffisant pour envisager une suite pour des producteurs. C’est regrettable tant ce long-métrage est un excellent film d’action signé par des artisans chevronnés.

La critique du film :

Ce qui frappe tout d’abord quand on revoit le film, c’est la qualité de dialoguiste de Shane Black. Sorte de Michel Audiard du cinéma d’action, il nous régale avec son sens du verbe. On pourrait ainsi publier un livre rien qu’avec les dialogues tirés de ces longs-métrages. Dans Le Dernier Samaritain , on notera un échange assez truculent entre nos deux héros à propos de l’amour. Un dialogue écrit par un scénariste qui venait de se faire plaquer suite à une demande en mariage au moment où il bosse sur le film.

"Joe : Ah l'amour... Tu devrais oublier ça.

Jimmy : Tu ne crois pas en l’amour ?

Joe : Je crois en l'amour, et même au cancer !

Jimmy : C'est deux maladies ?

Joe :  Presque..."

Au regard des bandes-annonces actuelles remplies de punchlines, il est évident que cinéma contemporain s’est inspiré de Black mais sans jamais le comprendre. Soyons francs, il n’y a rien de comparable entre l’écriture ciselée d’un Shane Black et les phrases balancées par les super héros Marvel qui ne sont à jamais au service de l’histoire et sont pensées comme des slogans marketing qui seront partagés sur les réseaux sociaux. Dans les films écrits par Black, les dialogues permettent avant tout de donner une réelle épaisseur psychologique aux personnages. Les mots utilisés par le scénariste américain façonnent des héros qui sont bien plus sombres que la plupart des protagonistes des grosses machines hollywoodiennes. Que ce soit Joe (Bruce Willis) ou Jimmy Dix (Damon Wayans) dans Le Dernier Samaritain , ce sont surtout des êtres torturés et pas forcement recommandables. Ils sont accros à l’alcool, les antidouleurs ou la cocaïne et sont rejetés par une société dont ils ont eu le malheur de révéler les aspérités. Il suffit de regarder l’ouverture du film sur le terrain de football américain pour comprendre que Le Dernier Samaritain n’est pas une œuvre contaminée par la cool attitude du cinéma actuel où systématiquement tout discours est évacué. Si l’on met de côté les scènes d’action dantesques cadrées par un Tony Scott en mode John Woo, le film est avant tout l’histoire d’un fataliste qui détruit sa vie en fumant plus de cigarettes que le cowboy Marlboro. Un protagoniste nihiliste auquel Black fera dire « dans les années 90 on ne peut plus frapper un gars sans balancer quelque chose de cool avant ». Cette phrase montre que le scénariste a conscience de l’évolution du cinéma hollywoodien. Avec Le Dernier Samaritain , il nous offre un chant du cygne d'une série B d’action qui n’est pas encore totalement contaminée par le politiquement correct. Un récit où le visage tuméfié du héros montre que les coups font mal. Pour conclure cette critique, je vous propose deux dialogues du film qui seraient impossibles de retrouver dans le cinéma d’action actuel  :

"Le tortionnaire de Joe : Tu fais le gars vachement à l’aise dans ses godasses. T’es toujours super cool hein ? Juste une fois j’ai envie de t’entendre hurler… de douleur.

Joe :  Mets-moi alors un rap, connard."

Continuons avec les mots gentils de Joe sur sa fille de 14 ans : "Ça va, Sarah (la femme de Joe) ! Tu la laisses se maquiller on dirait un… un raton laveur. J’ai même failli la descendre. Je l’avais prise pour un voleur la dernière fois.”

Le Dernier Samaritain est un putain de bon film d’action que les amateurs du genre se doivent d’avoir vu ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous ne l’avez pas encore regardé !

Mad Will

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