Retrouvez en DVD et Blu-ray le touchant La Rose et la Flèche de Richard Lester dans une magnifique édition signée Rimini et distribuée par ESC. Le film est présenté dans un nouveau master de toute beauté qui rend hommage à ce grand film d’aventures avec Audrey Hepburn et Sean Connery en héros vieillissants. Du côté des suppléments, outre une interview de Sean Connery et de Laurent Vissière (spécialiste de l’histoire médiévale), vous aurez le droit également à une présentation* par votre serviteur du long-métrage et de la carrière de Richard Lester, d’une durée de presque quarante minutes (Mad Will en chair et en os, voir la photo de tournage ci-dessous).

Un achat tout simplement indispensable ! (lien pour acquérir le DVD)

* Merci à Jean-Pierre Vasseur de Rimini Éditions et Anthony Roze du Studio Renard Bleu.

La critique du film (que j'avais publiée il y a quelques mois)

La Rose et la Flèche est une oeuvre étrange à l'image de la filmographie de son réalisateur Richard Lester qui a été capable de tourner un Superman 3 et de réaliser la palme d’or de 1965, Le Knack... et comment l'avoir. Alors qu'on s'attend à un film d'aventure classique mettant en scène Robin des Bois, La Rose et la Flèche s'avère au final une oeuvre romantique et morbide à la conclusion audacieuse. Mais avant de revenir sur ce fabuleux long-métrage, je souhaitais dire quelques mots sur Richard Lester qui aura marqué de son empreinte le cinéma de la "Perfide Albion".  Américain d’origine et enfant surdoué, il obtient un diplôme en psychologie clinique à l'Université de Pennsylvanie à l’âge de 15 ans. Dans les années 50, il s’installe à Londres où il fait ses premiers pas dans l’audiovisuel. Il y est repéré par l’acteur Peter Sellers avec lequel il tournera le court-métrage The Running, Jumping & Standing Still Film qui lui vaudra tout simplement une nomination à l’Oscar.

Lester connaît la gloire internationale en 1964 pour avoir mis en scène nos amis les Beatles avec Hard Day's Night . Il obtient même la palme d’or pour son film suivant Le Knack... et comment l'avoir. Il devient à cette époque une sommité du Swinging London. Il multiplie à l’époque les comédies et sort un second film Help avec les Fabulous Four.  Ainsi, pour comprendre son importance en Angleterre, il faut se rendre compte qu’avec son montage fragmenté, ses ruptures de ton et ses effets de mise en scène comme les apartés, il a réveillé un cinéma britannique vieillissant et empêtré dans ses conventions. Il a ainsi ouvert la porte à une nouvelle génération de cinéastes anglais comme Ken Russell ou Nicolas Roeg.

Dans les années 70, il enchaine plusieurs échecs commerciaux. Il retrouve cependant le succès avec son adaptation des Trois mousquetaires. Une fois encore, tout en proposant de l’aventure et une relecture assez fidèle à Dumas, il nous gratifie de son humour nonsensique et signe un divertissement de haute volée. Puis en 1976, il signe le merveilleux La Rose et la Flèche . Les années 80 seront plus difficiles pour lui avec avec deux oeuvres de commande : Superman 2 (où il retourne seulement quelques scènes) et Superman 3. Avec Vingts ans après, il conclut sa trilogie autour des célèbres mousquetaires d’après Alexandre Dumas. Il décide alors d’arrêter sa carrière à l'aube des années 90 suite à la mort de Roy Kinnear sur le tournage de ce dernier film et ne reviendra à l’écran que pour filmer des concerts de Paul McCartney.

Américain d’origine, mais résolument britannique dans son humour, il aura été capable de mêler comédie et réflexions existentielles dans ses plus beaux films comme La Rose et la Flèche . Ce n’est donc pas un hasard si des cinéastes comme Steven Soderbergh militent pour qu'on réévalue la riche filmographie du bonhomme. 

Mon retour sur La rose et la flèche

Les héros légendaires vieillissent-ils ou possèdent-ils la jeunesse éternelle comme Peter Pan ?  Dans le cas de Robin des bois, il est d’autant plus difficile d’imaginer un prince des voleurs âgé alors que l’on garde en mémoire les images du long-métrage de Michael Curtiz avec le sautillant Errol Flynn. Mais Richard Lester qui avait déjà réveillé l’Angleterre avec les Beatles, ne pouvait se limiter aux récits populaires autour du héros de la forêt de Sherwood maintes fois représentés à l’écran. En 1976, il nous proposait donc de découvrir un Robin des Bois fatigué qui a rejoint Richard Cœur de Lion dans ses croisades. Et il faut bien se l’avouer, le portrait que le film nous dresse du roi anglais est plus qu’amer. Comme dans la réalité historique, le seul coeur que possède Richard semble être dans son patronyme. Fatigué des massacres à répétition, Robin s'oppose à son souverain qui mène une attaque contre un château sans défense pour trouver un trésor. Une statue soi-disant couverte d’or qui ne peut exister que dans l'esprit des conquistadors ou d'anciens croisés avides de sang.  Alors que Robin doit être exécuté pour avoir refusé d’obéir à son monarque, celui-ci est atteint d‘une flèche et meurt loin de son royaume. Dégagé de ses obligations par rapport à son roi, il est temps maintenant de rentrer pour Robin et son fidèle Petit Jean. Mais à son retour, les contrées de sa jeunesse en Angleterre ne sont plus que les vestiges d'un glorieux passé, surtout que sa douce et tendre Marianne est entrée dans les ordres après avoir tenté de se suicider.

Pour incarner Robin et Marianne, Lester s’appuie sur un Sean Connery qui s’approche de la cinquantaine et sur une Audrey Hepburn qui revient ici au cinéma après huit d’années d’inactivité. Le réalisateur se sert donc de leur aura et de leur physique toujours superbe, mais marqué par le temps pour son film à une époque où Hollywood privilégiait déjà la jeunesse et les coups de bistouri.

Notre prince des voleurs préféré retrouve ainsi son ennemi intime le Shérif de Nottingham et décide de reprendre sa lutte contre le pouvoir. Mais le héros est usé, même s’il a conservé en paroles sa fougue d’antan. Il y a ainsi beaucoup d’humour dans ce film qui nous expose les difficultés rencontrées par Robin pour reproduire ses actions d’antan comme dans cette abracadabrantesque évasion du château où il peine à se sauver avec Petit Jean. À ce titre, alors qu’il peut les faire abattre d’une simple flèche, Le Shérif ne fait rien et les regarde blasé en soupirant.  

Le rapprochement avec Peter Pan en amorce de cette critique est donc plutôt judicieux concernant le film, car le réalisateur dénonce en filigrane l’héroïsme aveugle et juvénile d'un Robin prêt à envoyer à la mort une armée de paysans juste pour servir sa légende. Il agit donc comme enfant qui aurait refusé de grandir et qui tente de reproduire ses faits de jeunesse alors que ceux qui l’entourent ont bien conscience que leur temps est révolu, à l’image du Shérif. Lester privilégie ainsi un certain réalisme qui évacue toute notion de spectaculaire. Pas de décors de studio magnifiés par le Technicolor comme dans la version d'Errol Flynn, avec ses acteurs au physique avantageux trainant au second plan, le réalisateur privilégie ici les ruines où s’imprègnent les stigmates de la misère par le biais des visages marqués par la malnutrition de la population où l'on compte quelques édentés.

Pour autant, même si le film égratigne l’héroïsme, La Rose et la Flèche est avant tout une oeuvre romanesque qui propose l’une des plus belles histoires d’amour vues au cinéma. C’est tout le génie de Lester que de nous offrir une oeuvre qui démystifie l’héroïsme des récits chevaleresques afin de signer un film autour de "l’amour courtois". La Rose et la Flèche est en effet un superbe long-métrage sur l'amour au-delà de la pensée (Puisqu'Amour l'ordonne écrivait Chrétien de Troyes dans Lancelot, ou le chevalier de la charrette ) comme le montre ce final qui restera à jamais gravé dans la mémoire de ses spectateurs.

(Spoiler) À ce titre, la déclaration d’amour de Marianne à Robin lorsqu’il découvre qu’elle les a empoisonnés tous les deux est bouleversante. Cette fin tragique est aussi l'instant le plus romantique du film, car pour la première fois les deux amants vont réussir à se déclarer leur amour en même temps, comme si la mort seule pouvait leur permettre vivre pleinement leur idylle.  On comprend aisément le parti pris de Lester de commencer son long-métrage par la vision d’un Richard Cœur de Lion devenu un fou sanguinaire. En effet, Marianne souhaite pour Robin un destin différent de celui du désabusé Richard. Son geste meurtrier est au final le seul moyen pour que la légende de son bien-aimé ne soit pas altérée au moment même où dans la foret de Sherwood les hommes de Robin sont exécutés à cause de l’héroïsme suranné du plus célèbre prince des voleurs.  Et pour conclure le film, Lester filmera Robin utilisant une dernière fois son arc et demandant à son fidèle compagnon Petit Jean de l’enterrer avec Marianne à l’endroit où la flèche touchera le sol. Le génie du réalisateur anglais sera alors de conclure le film avant que le projectile ne touche le sol, car les héros sont éternels tout comme l’amour qui liait Robin à Marianne. (Fin Spoiler)

Un grand film à voir et à revoir

Mad Will