Attention, cette critique concerne le film australien Long Weekend réalisé en 1978 et non son remake raté et inutile de 2008.

Le film est disponible sur Shadowz : https://www.shadowz.fr/content/long-weekend-2003

Long Weekend a connu lors de sa sortie un certain succès en Europe aussi bien bien public que critique, obtenant de nombreux prix dans des festivals spécialisés comme celui d’Avoriaz où il gagne l’Antenne d’or. Pour autant dans son pays d’origine l’Australie, le film a été totalement ignoré. Un manque d’intérêt qui semble avoir limité pendant un temps la possibilité d’avoir une copie convenable du long-métrage en vidéo. Néanmoins, au fur et à mesure des années, Long Weekend a gagné le statut d’oeuvre culte en raison de sa radicalité et de son message toujours d’actualité au moment où le continent australien a été en partie réduit en cendres à cause de la folie des hommes.

Au scénario nous retrouvons Everett De Roche, un scénariste emblématique de la "ozexploitation", une sorte de nouvelle vague australienne qui s’est constituée autour de réalisateurs qui se sont révélés dans des bandes d’exploitation d’horreur ou d’action. Ce courant cinématographique qui durera un peu plus de 10 ans, a permis à des cinéastes majeurs du cinéma contemporain d’émerger tels que George Miller ou Peter Weir avec des films tels que Mad Max ou La Dernière Vague . Durant cette période, Everett De Roche signera des scripts sensationnels où le fantastique est au service d’un discours qu’il soit sociétal (Patrick ), politique (Harlequin ) ou bien encore écologique avec Long Weekend . Je vous invite vraiment à voir les longs-métrages de genre australiens de cette époque qui sont toujours surprenants grâce à une approche du surnaturel en lien avec la nature.

À la mise en scène officie un certain Colin Eggleston à la carrière surtout télévisuelle qui signe ici le meilleur film de sa carrière. Mise en scène simple mais à l’efficacité redoutable, sens du cadre impeccable, excellente direction d’acteur, Colin Eggleston a vraiment fait un boulot remarquable sur le film.

Lorsqu’il parle de Long Weekend Everett De Roche évoque volontiers Week-end de Godard. Les deux films ont comme point commun leurs protagonistes principaux, des couples de petits bourgeois antipathiques qui n’ont qu’un désir : se débarrasser de l’autre moitié pour jouir pleinement. Ces oeuvres sont avant tout une violente critique de nos sociétés modernes où la nature et l’humanisme sont sacrifiés sur l’hôtel de la consommation.

Dès le début de Long Weekend , il est évident que le couple formé par les deux protagonistes principaux est mort. On voit ainsi l’homme quitter sa maîtresse tandis que son épouse se larmoie au téléphone avec son amant. Arrivé chez lui, le mari fait joujou avec son nouveau fusil et observe de longues minutes sa femme avec la lunette de son arme comme s’il s’apprêtait à l’abattre. Prisonniers de leur confort et de leur petite existence bourgeoise, incapables de prendre des décisions, la nature pourtant accueillante va devenir le réceptacle de la haine entre ces deux êtres humains obnubilés par leur propre personne. Que ce soit ces mégots lâchés à même le sol qui provoquent un incendie, ce kangourou écrasé par le 4x4 ou enfin ce paisible dudong (appelé aussi vache marine) mutilé par le mari, les animaux dans le film sont victimes de notre égoïsme et de notre incapacité de prendre conscience du jardin d’Eden qu’est la nature. Et comme dans la bible, le couple finira par être rejeté des lieux.

Long Weekend n’est pas seulement une œuvre engagée, c’est également un grand film en matière de réalisation. Porté par un magnifique Cinémascope qui épouse à merveille les paysages naturels de l’Australie, le film va réussir distiller une ambiance fantastique sans avoir jamais besoin du moindre effet spécial. Il suffit à Colin Eggleston de proposer des cadres de plus en plus serrés et d’insérer des éléments visuels comme cette poupée abandonnée pour créer une ambiance suffocante. Le travail sur le son impressionne également et participe beaucoup au climat oppressant du long-métrage. Durant le premier tiers de Long Weekend , les bruits de la nature sont mixés assez bas et s‘avèrent très agréables à entendre grâce au bruit des vagues qui crée une douce et régulière mélodie en arrière-plan. Mais au fur et à mesure, les sons venant de l'environnement naturel vont devenir de plus en plus nombreux et seront mixés de façon à créer une bande-son cacophonique et oppressante où résonne en fond les lamentations déchirantes d’un bébé dudong qui s’apparentent aux cris d’un nouveau-né.

Vengeance de la part de la nature maltraitée ou alors portrait d’une race humaine incapable de comprendre son environnement et qui finit par prendre peur ? Comme dans Harlequin , Everett De Roche ne donnera jamais la réponse quant à la nature fantastique de la menace. Il laisse ainsi au spectateur la possibilité de se faire sa propre interprétation.

Film nihiliste sur l’apocalypse écologique à venir, Long Weekend est tout simplement un film à voir ou à revoir !

Mad Will