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Un flic sur le toit est un uppercut visuel dont on se souvient encore longtemps après la projection, et dont certaines séquences resteront à jamais imprégnées dans la rétine de nombreux cinéphiles. Filmé par une figure emblématique de la Nouvelle Vague suédoise, ce long-métrage policier participe à une réinvention du langage cinématographique dans le cinéma d’action à la manière d’un William Friedkin sur French Connection et Police fédérale Los Angeles. Son réalisateur Bo Widerberg s’appuie une mise en scène maîtrisée et stylisée qui privilégie la caméra à l'épaule et un montage fracturé. Un modèle qui a sans doute inspiré Paul Greengrass pour ses films d'action avec Jason Bourne.
Avant d’être un film, Un flic sur le toit est un roman noir nordique nommé, dans nos contrées, L'Abominable Homme de Säffle, et qui a été écrit à quatre mains par Maj Söwall et Per Wahlöö. Datant des années 70, ce polar fait partie d’une série de livres autour du commissaire Martin Beck. Ce policier est une sorte Maigret qui enquête dans une Suède où sous le vernis aimable de la social-démocratie se cache en réalité un état répressif et violent qui flirte avec le fascisme.

Son réalisateur Bo Widerberg est une personnalité forte du cinéma suédois, inscrivant ses films dans une réalité sociale grâce à une mise en scène rageuse et ultra dynamique. C’est avant tout un cinéaste engagé qui voulait révéler les affres de son pays et rompre avec l'académisme glacé d’Ingmar Bergman. Il faut donc l’imaginer comme un homme passionné qui était prêt à faire exploser un hélicoptère en plein centre-ville de Stockholm pour apporter plus de réalisme à son film. C’était également un cinéaste qui privilégiait l'improvisation avec ses comédiens afin de capter un geste ou un regard qui lui permettait alors de nous révéler l’âme du personnage. Auréolé de plusieurs prix à Cannes, il s'attaque au cinéma de genre avec Un flic sur le toit dans une démarche assez semblable à Andrzej Żuławski sur Possession. À l’instar du réalisateur polonais qui venait lui aussi du cinéma dit « d’auteur », il ne prend jamais le genre de haut. Au contraire, il en respecte les codes pour mieux les sublimer grâce à son savoir-faire technique indéniable et sa manière d'appréhender le monde en anlysant les rapports sociaux.

Dans la première partie du film qui concerne l’enquête policière, on est totalement happé par les images de Bo Wildelberg et par la qualité de l'interprétation. Par l’intermédiaire d’une caméra à l’épaule, sa mise en scène nous plonge à la manière d’un reportage dans le quotidien du commissaire Beck qui doit enquêter sur l’assassinat d’un flic. La capacité du cinéaste à capter en quelques secondes un regard, à recadrer légèrement sur un acteur pour filmer un mouvement de lèvres afin de nous faire comprendre les doutes d’un personnage, est impressionnante. Dans la lignée d’un Pialat, Bo Widerberg est également un cinéaste qui maîtrise totalement le hors champ comme dans la scène du commissariat où de jeunes marginaux sont enfermés en prison pendant que notre héros interroge les collègues du flic assassiné. Par l’intermédiaire de cadres ouverts et d'un travail sur la bande-son qui privilégie les bruits extérieurs, il nous donne l’impression que la vie existe en dehors du film et des limites de l'écran.

Quant à la deuxième partie qui donne le titre du film, nous avons tout simplement le droit à une leçon de mise en scène. La caméra à l’épaule nous plonge littéralement dans l’action, le montage fait preuve d’une grande lisibilité et les audaces visuelles du réalisateur sont toujours d’actualité comme avec ce plan d’hélicoptère qui vient tomber littéralement sur l’écran et pour lequel Bo Widerberg a risqué sa vie. Pas besoin de 4DX ou de 3D pour nous plonger dans l’action avec ce réalisateur qui sait placer sa caméra et capter les regards pétrifiés des flics en intervention. Un flic sur le toit est tout simplement un chef-d'œuvre que tout amateur de film policier et d’action se doit d'avoir vu au même titre que le French Connection. Totalement indispensable et hautement recommandable !

Mad Will