Le film sur Outbuster : https://www.outbuster.com/completement-a-l-est/Suffering-of-ninko

Attention le film est réservé à un public averti en raison de scènes de nudité.

Que raconte le film :

Ninko est un jeune moine qui n'a qu'un problème: les femmes semblent incapables de lui résister. Les plaisirs sexuels sont un péché, et Ninko pense ne pas être assez vertueux. Il s'enfuit alors dans les montagnes, dans un village désolé qui serait hanté...

Outbuster nous propose une fois encore une vraie étrangeté du cinéma à découvrir avec le film japonais Suffering of Ninko.  Ce long-métrage est tout à la fois un film fantastique, une fable morale, une comédie irrévérencieuse et aussi une œuvre érotique. Mais surtout ce long-métrage est un livre d'images absolument somptueux où se mêle prises de vue réelles et séquences d’animation qui donnent vie littéralement aux Shunga (image du printemps) ces estampes à caractère sexuel de l’ère Edo. 

Suffering of Ninko n’est pas un simple long-métrage de fiction. C’est avant tout la création d’un plasticien qui pense la mise en scène en matière de formes et de volumes comme dans les Arts plastiques. Chaque plan semble avoir fait preuve d’un soin particulier avec un rendu magnifique des textures et des éléments naturels comme l'eau ou la végétation malgré des moyens très limités. Cette approche de la réalisation très esthétique est l’oeuvre d’un ancien étudiant des beaux-arts Norihiro Niwatsukino qui a abattu un boulot titanesque sur le film, en assurant une bonne partie des postes techniques (animateur, monteur, scénariste) sur une durée de 4 ans.

Suffering of Ninko est un film ou l’approche esthétique a été privilégiée au détriment du scénario. Le film souffre ainsi de longueurs et certains personnages comme le samouraï sont trop peu caractérisés. Enfin, la révélation finale n’est pas forcement bien amenée même si elle est réussie. Néanmoins, la force du film est de créer des images qui s’imprègnent dans l’inconscient de son spectateur à travers une esthétique inspirée du folklore japonais. On pense à la Yama-Uba (sorcière de montagne) qui apparaît dans le film où à cette séquence dans laquelle notre héros répète ses mantras et se retrouve assailli par une horde de jeunes femmes. Une scène que le réalisateur filme à la manière des films de fantômes à la Hideo Nakata ou Kiyoshi Kurosawa.

Outbuster présente le film comme une comédie érotique. Je préfère informer les plus libidineux(ses) d’entre vous, le film reste très chaste et lorsque la caméra s’arrête quelques secondes sur les formes de jeunes femmes, elle le fait avec une bienveillance et un sens esthétique qui font de cette œuvre un poème charnel qui ne tombe jamais dans la stylisation de supermarché à la Just Jaeckin (Emanuelle) où dans le graveleux pseudo auteurisant à la Abdellatif Kechiche.

Enfin, le film est un passionnant conte moral qui dénonce la morale culpabilisante des religions. En effet, notre « héros » est le plus fervent et rigide moine de son temple, car il ne peut refréner son attirance incontrôlable pour la gent féminine. Dans l’incapacité de jouir, il finira par devenir un monstre qui détruira le sexe opposé en raison de sa frustration. Comme le souligne le film par l’intermédiaire du fantastique, le religieux en diabolisant le sexe pousse l’individu à ne pas utiliser son propre jugement, faisant de lui un être frustré, voir pervers.

À noter enfin une très belle bande originale réalisée à l’aide d’instruments traditionnels japonais qui crée une vraie étrangeté lorsque résonne dans une séquence une reprise du Boléro de Ravel.

Retrouvez sur Outbuster, cet OFNi (objet filmique non identifié ) qui vous fera voyager pendant une heure et 10 minutes dans un Japon fantasmatique et fantastique.

Mad Will