Nous vous parlions récemment de l’excellent WarGames disponible sur Netflix et qui mettait au début des années 80 le jeune Matthieu Broderick aux prises avec Joshua, une intelligence artificielle dévastatrice dans une course contre la montre sur fond de guerre froide. Et bien un nouveau film de ce réalisateur, l’efficace John Badham, est arrivé sur la plateforme, l’occasion pour nous de vous parler de Thunder blue sorti en France sous un titre qui en jette : Tonnerre de Feu .

 

Mais de quoi parle donc ce Tonnerre de feu ?

L’officier Franck Murphy (Roy Scheider) est un pilote d’hélicoptère hors pair doublé d’une tête brûlée chargé de veiller depuis les airs sur la sécurité des habitants de Los Angeles. Au cours d’une intervention il assiste à l’agression d’une militante contre les violences urbaines. Alors que l’enquête est rapidement bouclée, Murphy reste convaincu que tout n’est pas clair dans cette histoire et fait le lien avec le test d’un nouvel hélicoptère gouvernemental hautement perfectionné et chargé de surveiller les citoyens : le redoutable Thunder Blue.

À l’écriture du scénario on retrouve Dan O’Bannon, le scénariste de Dark Star , Alien le 8e passager et Dune (le projet de Jodorowsky) crédité avec un coscénariste, Dan Jakoby, avec qui il retravaillera d’ailleurs sur deux films de Hooper produit par les flibustiers de la Cannon : les ambitieux et sous-estimés Lifeforce et L’invasion vient de mars. Mais il est de notoriété publique qu’il considère Tonnerre de feu comme un saccage de son script. Et pour cause, tout le propos politique aurait été évacué, « massacré » dit-il, par Badham. Car si Tonnerre de feu possède un sous-texte très intéressant sur la question du contrôle de la population et les moyens mis à la disposition des forces armées, et donc critique en filigrane le pouvoir militaire et politique, force est de constater que cette thématique n’est jamais, à proprement parler, vraiment exploitée. À l’exception d’une scène de yoga où une femme nue s’adonne à des postures toujours plus compliquées sous le regard amusé des pilotes (mais l’aspect érotique désamorce un peu l’idée), le film noie assez vite le potentiel politique dans une intrigue complotiste un brin tiré par les cheveux et laisse-le reste aux séquences d’action. Et c’est bien dommage car il y aurait eu des choses à dire avec ce prétexte technologique qui fleure bon le système imaginé dans 1984 de Orwell et on se surprend à imaginer le brulot que cela aurait pu devenir si un Verhoeven était passé par là. Mettre le Thunder Blue dans les mains du metteur en scène de Robocop promettait de belles séquences. Surtout lorsque l’on sait que dans le script original (http://airwing.uplink.com.au/bluethunder/index.cgi?page=8&1979-blue-thunder-original-draft-) le personnage de Murphy est beaucoup plus instable mentalement et finit par perdre le contrôle dans la ville, aux commandes d’un appareil de guerre hautement perfectionné. On est donc loin du film un peu lisse qui est finalement sorti en salle, un thriller mâtiné d’action avec une histoire finalement sans grande surprise. Il faut donc savourer le film pour ce qu’il est : une sorte de polar complotiste correct, avec en toile de fond la rivalité de deux pilotes, anciens du Vietnam, tout en se disant que côté film politique, Badham se rattrapera la même année avec son incontournable WarGames.

Expurgé de son sous-texte, le film repose donc entièrement sur l’hélicoptère (un modèle français pour l’anecdote, le fameux Gazelle SA-341G puisqu’on ne voulait pas associer un véhicule américain aux propos du film) ainsi que sur la mise en scène de Badham et le charisme de Roy Scheider. Le cinéphile repérera d’autres rôles savoureux comme la présence de Warren Oates (acteur ayant notamment tourné 4 fois avec Peckinpah mais aussi Norman Jewison pour Dans la chaleur de la nuit ou avec Malick pour La ballade sauvage ) ainsi que Malcolm McDowell, le Alex de Orange mécanique plutôt sous-exploité ici mais qui fait quand même bien le boulot. À noter que Malcolm avait apparemment une peur panique de l’hélicoptère et du vol en général, et qu’en ce qui le concerne le tournage a dû être un léger calvaire. Roy Scheider, ancien militaire de l’US air Force avant de devenir acteur, est impérial, même si l’écriture de son personnage est avec le recul assez paradoxale puisque Murphy adopte un comportement plutôt immoral vers la fin (notamment précipiter un tir de roquette sur une des Twin Towers…) ce qui apparemment dérange moins que de parler de moyens de contrôle des masses. Mais c'est vrai qu'il est plus commercial d'offrir au public un lot de séquences impresionnantes plutôt qu'un début de réflexion sur la surveillance. L’intérêt du film réside donc principalement dans les séquences d’action et les dogfiht (combats aériens) et la dernière partie reste à ce titre une référence en la matière et témoigne de l’efficacité de Badham que les cinéphiles qualifient au choix d’artisan solide ou de faiseur. Ici on penche largement pour le premier qualificatif car Tonnerre de feu reste encore aujourd’hui très ambitieux en termes de cascades et d’action. Non seulement les séquences aériennes sont superbes et inventives : course poursuite d’hélicoptère dans les rues, entre les buildings, affrontement avec de F-16 etc, mais en plus la mise en scène est lim-pi-de. Une gestion de la spatialité des séquences en plein ciel qui ne retire rien de la tension et du rythme. Bref, c’est simple, bien découpé et assez inspiré au niveau des plans ce qui permet à ce Tonnerre de feu de tenir encore la distance.

Sans aller jusqu’à dire que Tony Scott et Top Gun peuvent aller se rhabiller, le film offre un bon divertissement et permet de continuer à s’intéresser à un réalisateur qui a quand même signé d’excellents films. Si vous êtes fan du genre ne passez pas votre chemin, Tonnerre de feu est un divertissement tout à fait correct. Sinon essayez WarGames.