Quelques années avant de tourner dans le cultissime La folle journée de Ferris Bueller réalisé par John Hughes (The Breakfast club), l’un des acteurs emblématiques de la génération eighties Matthew Broderick a connu son premier succès dans un excellent film d’action également disponible sur Netflix : Wargames. Un thriller de 1983 qui va faire un véritable carton en salles avec 79 567 667 dollars engrangés pour un budget de 12 millions de dollars et qui met en scène un jeune hacker aux prises avec une intelligence artificielle surpuissante à deux doigts de déclencher la 3e guerre mondiale.

 

David Lightman est un adolescent passionné d’informatique qui réussit à prendre le contrôle d’un super ordinateur de l’armée. Convaincu de jouer à un jeu en ligne, David entame une partie de guerre mondiale sans savoir que les actions de l’ordinateur impactent la réalité. Croyant que les Russes préparent la guerre, les Américains se tiennent prêt à toute éventualité et envisagent même de frapper les premiers…

Malgré son sujet assez lourd, Wargames est un divertissement intelligent à l’ambiance hybride qui oppose au suspens et à la tension, la candeur et la ténacité d’adolescent de Matthew Broderick. Et c’est assurément l’une des grandes forces du film. Le couple qu’il forme avec Ally Sheedy, que l’on retrouvera également plus tard chez John Hughes, donne une atmosphère Teen movie qui transforme la peur de l’holocauste nucléaire en une aventure excitante de gamin dépassé par son talent. Le jeune David, obsédé par les ordinateurs et beaucoup moins par les cours, incarne en effet les débuts du hacking et se pose donc en une sorte de père spirituel de Elliot Alderson (Mr Robot). Wargames démarre comme un film de guerre avec ces deux militaires chargés de déclencher le lancement d’ogives et place son idée dès le début : la machine comme pièce d'un engrenage mais également comme grain de sable. Passé l’ouverture est la mise sous tension du spectateur à qui l'on rappelle qu’appuyer sur un bouton permet d’éradiquer 90% de la planète, John Badham vient brosser le portrait de nos jeunes adolescents. Dès lors le film gardera cette alchimie en équilibrant la pression de l'action avec l'innocence de ses jeunes héros.

Et Wargames fonctionne à tous les niveaux. A l’époque il cristallise les fantasmes des années 80, décennie magique qui a vu arriver en force Macintosh et Microsoft et les promesses qu’ils offraient. Aujourd'hui, le film dégage un sentiment de douce nostalgie parce qu’il incarne ce virage dont on mesure à peine la manière dont il a changé nos vies. Mais ce sentiment est diffus, en filigrane, puisque la réalisation de Badham ne part pas trop loin dans l’imaginaire, au contraire, la force du scénario vient surtout de son réalisme. Plutôt que de jouer la carte de l’anticipation, l’histoire préfère tabler sur une folie humaine séculaire, un sujet assez intemporel est d’autant plus d’actualité à l’époque puisque le contexte est à la guerre froide. Wargames n’est ni plus ni moins qu’un tableau de l’état géopolitique du début des années 80 mais noirci avec une touche de technologie. Si le superordinateur est un artifice, les fantasmes de l’intelligence artificielle et la peur de l’holocauste nucléaire qui forment la toile de fond ne sont pas de la fiction. Avec quelques très bonnes idées de mise en scène, comme le fait que l’on ne voit jamais les Russes pourtant premiers concernés, que l’ordinateur incarne une sorte d’ennemi invisible ou encore que pour gagner la guerre mieux vaut ne pas jouer, Wargames évoque la peur de tout confier aux machines, les difficultés de communication entre les humains et les comportements individuels qui impactent le monde.

En plus de son scénario qui lui vaudra une nomination aux Oscar en 84, Wargames offre un prétendant sérieux au panthéon cinématographique des I.A. dangereusement trop conscientes d’elles-mêmes. Les efforts répétés de Joshua pour éradiquer l'humanité le place au coude-à-coude avec ce bon vieux Hal 9000 de Kubrick et le Colossus de Joseph Sargent (Le cerveau d’acier, 1970). Joshua est une machine redoutable qui en cherchant à optimiser son comportement réussira à mettre l’humain devant ses propres contradictions. La mise en scène dynamique de Badham, technicien accompli qui compte dans sa filmographie d'excellents films comme La fièvre du samedi soir (1977), un impeccable Dracula (1979) et le très bon Tonnerre de feu (1983) alliée à un scénario qui a pour trame l’idée, très lovecraftienne, que l’humain possède un réel talent pour devenir l’agent de sa propre destruction font de Wargames un classique terriblement d’actualité.

Si 35 ans après ce film Skynet ne semble pas avoir encore pointé le bout de son nez, la propension de l’humain à scier la branche sur laquelle il est assis fait que Wargames résonne aujourd’hui presque à l’unisson avec les vociférations de Trump et de son Rocket man.

Un classique à découvrir ou redécouvrir sur Netflix.

T.K.