Le film sur Amazon Prime Video : Lien

Si on évoque le film Erik le Viking , il faut avant tout parler de l’homme derrière la caméra, Terry Jones , un imminent membre des Monty Python qui fut par ailleurs le réalisateur ou coréalisateur avec Gilliam des films de la célèbre troupe anglaise. Amuseur public, médiévaliste reconnu, documentariste et également romancier, c’était un artiste aux multiples talents. Avec Erik le Viking , il adapte son roman homonyme pour enfants. Cependant, le film est très différent de son modèle littéraire. Jones vise ici un public plus adulte et ne reprend pas la plupart des péripéties du roman faute d'avoir un budget de superproduction hollywoodienne. À sa sortie, Erik le Viking souffrit de la comparaison avec les oeuvres cultes des Monthy Python comme Sacré Graal . En effet, ce long-métrage est avant tout pensé comme un conte philosophique même si on retrouve par instant l’humour débridé de la troupe de comiques anglais.

Le film compte néanmoins de nombreuses séquences hilarantes. On pense en tout premier lieu à la tentative de viol d’Erik sur une paysanne qui le conduit à mener une discussion philosophique avec sa victime sur le bien-fondé du pillage. Au-delà de son humour impertinent, cette séquence d'ouverture nous révèle un Erik fatigué par les guerres incessantes qui aimerait pour une fois discuter avec une femme avant de coucher avec elle. Notre héros est interprété par le talentueux Tim Robbins qui possède un excellent timing comique et dont le regard lunaire sert parfaitement son personnage de Viking candide. De la même manière, des personnages frappadingues comme le fou de guerre (Le berserker) joué par Tim McInnerny resteront dans les mémoires et animeront vos zygomatiques.

Passionné par les légendes, l’érudit Terry Jones ne se limite cependant pas aux simples scènes comiques et souhaite avant tout nous proposer un conte philosophique sur la croyance. Pour cela, il s’inspire des légendes nordiques, en citant entre autres Fenryr le Loup dévoreur de Soleil ou le pont Bifrost. Selon Terry Jones , c’est ce discours philosophique qui aurait déstabilisé certains spectateurs venus se payer simplement une simple tranche de rire.

Son message est clair dans Erik le Viking , la religion n’existe que dans l'esprit de celui qui y croit. Ainsi durant l’attaque du bateau du félon Halfdan le noir, Tim Robbins réussira à abattre tous ses ennemis, convaincu que la serpillière qu'il porte sur la tête le rend invisible. Il s’évanouira tout de même après l'attaque quand il se rendra soudain compte qu’il était visible aux yeux de tous depuis le début.  De la même manière, les habitants d'Hy-Brasil mourront noyés, car ils ne veulent pas voir la vérité en face. Ils préfèrent se référer à leurs vieilles coutumes religieuses plutôt que d’affronter la réalité. Enfin, le Viking converti au christianisme n'apercevra jamais les créatures mythiques qu’il rencontre, car il ne croit pas aux légendes nordiques. Avec la découverte d’Asgard qui nous montre les dieux comme des enfants mal élevés, la troisième partie est révélatrice du message philosophique du film. Jones nous signifie ici que pour grandir les hommes doivent se libérer des enfantillages de la religion.

Néanmoins tout n’est pas parfait dans ce film. Limité par un faible budget, Terry Jones n’a forcément pas les moyens de ses ambitions. Avec ses rares décors, son casting limité en nombre et ses effets spéciaux "low coast" (à bas prix), le visuel du long-métrage a particulièrement vieilli. Il faut dire que les incrustations (et elles sont nombreuses) sont indignes d’un film de la fin des années 80.  De plus, la mise en scène de Jones ne propose pas de plans marquants et s’avère surtout fonctionnelle.

Enfin, ce long-métrage est bien trop romanesque dans sa construction alors qu’il ne reprend pas l’histoire du livre homonyme. Reliées par des fondus au noir disgracieux, les séquences du film fonctionnent à la manière des chapitres dans un roman et ne semblent pas interconnectées. Lors de la sortie en vidéo, Jones proposera un nouveau montage plus court (presque 20 minutes d’enlevées). À ce titre, la copie en VF disponible sur Amazon Prime est bel et bien le montage de 97 minutes visible au cinéma à l’époque.

Ce long-métrage est néanmoins hautement recommandable pour son discours sur la croyance, son approche presque historique des légendes nordiques et certaines de ses idées comiques absolument géniales. À découvrir ou redécouvrir sur Amazon Prime !

Mad Will