Sans conteste l'un des films catastrophe les plus réussis de la précédente décennie, son visionnage s'avère en effet indispensable. Octopus d’or lors de l’édition 2018 du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, ce long métrage du réalisateur danois Rasmus Kloster Bro est à la fois un excellent film de genre, un pamphlet sur la situation de l’Europe ainsi qu’une réflexion sur notre propre humanité. À voir absolument !

La critique :

Claustrophobes, passez votre chemin ! Tous les autres n’hésitez pas une seconde, regardez Cutterhead sans tarder. Octopus d’or lors de l’édition 2018 du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, le long métrage du réalisateur danois Rasmus Kloster Bro est à la fois un film de genre (qui m’a rappelé l’excellent Tunnel de Kim Seong-Hun), un pamphlet sur la situation de l’Europe ainsi qu’une réflexion sur notre propre humanité.

Réunis par le destin dans un caisson de décompression suite à un incendie dans le chantier de la construction du métro de Copenhague, trois personnages attendent les secours.

Dans ce film immersif le spectateur est convié dès la première séquence à descendre dans des boyaux mal éclairés, étroits, fumants, et bruyants : une expérience sensorielle éprouvante qui se renforcera jusqu’au dernier plan, le réalisateur mettant nos sens à rude épreuve en n’hésitant pas à plonger le spectateur dans le noir complet pour qu’il ressente au maximum l’angoisse des personnages menacés par une mort affreuse. Vous l’avez compris, ici, loin de rechercher les effets spectaculaires du film catastrophe à l’américaine, le réalisateur nous propose avant tout un huis-clos étouffant ce qui lui permet de centrer son propos sur les trois personnages et leurs réactions :

Nous avons en premier lieu Rie (Chritine Sønderris) une photographe venue en reportage, une Danoise un peu nunuche ou bobo c’est selon, en tout cas pas à sa place, qui ne se rend pas compte de la réalité et des contraintes du travail. À ses côtés nous retrouvons Ivo (Kresimir Mikic), un Croate, un homme d’expérience mais nouvel arrivé en communauté européenne, qui s’est expatrié pour soutenir financièrement sa famille. Enfin, le film nous propose de suivre Bahran (Samson Semere) un jeune immigré érythréen qui doit travailler pour rembourser la dette que ses parents ont contractée pour son périple.

Ces trois personnes vont être amenées à partager leur espace vital et surtout l'eau, l'air et l'angoisse commune. Condamnés à attendre les secours, elles n’ont pas grand-chose d’autre à faire que discuter ensemble. Chacune a des attentes diverses au sujet de l’Europe. La Danoise, représentante de la vielle Europe, est pétrie à la fois de principes et de bonnes intentions, le Croate voit en l’Europe une opportunité et pour l’Érythréen le vieux continent est la seule planche de salut. Le réalisateur fait jouer à plein les différences d’âge, de sexe, de maturité et de nationalité, pour alimenter les conflits qui secouent cette Europe en miniature aboutissant par moments à un climat délétère.

Dans cette promiscuité contrainte, l’instinct de survie de chaque personnage le conduira à accomplir des actes qu’il ne s’imaginait surement pas exécuter lui-même. Cela permet au réalisateur d’affiner ses portraits et de se questionner sur ce que sont les personnes une fois leur vernis culturel enlevé. Sous la pression (c’est le cas de le dire) elles se livrent, paniquent, révèlent leur grand cœur ou leur côté obscur. Et ce jusqu’à l’épuisement, sans que l’on sache vraiment jusqu’au dernier plan du film comment s’en sortiront, physiquement et moralement, les protagonistes.

Rasmus Kloster Bro cherche donc à percevoir ce qu’est intrinsèquement l’être humain à travers la peinture d’une Europe en crise. Film de genre réussi tout autant qu’une analyse fine des tourments moraux d’une Europe en plein questionnement sur son avenir, Cutterhead est sans conteste un des films catastrophe les plus réussi de la précédente décennie. Son visionnage est tout simplement indispensable.

Laurent Schérer

La bande annonce :