Le film sur Shadowz : https://www.shadowz.fr/content/burying-the-ex-2049

Si vous lisez souvent ma prose, vous savez tout l’amour que je porte à Joe Dante qui représente tout ce que j’aime dans le cinéma américain, c'est-à-dire une certaine érudition cinéphilique, un savoir-faire technique évident et une volonté de divertir son public sans pour autant le prendre pour un idiot.

Joe Dante est issu de l'écurie Roger Corman, il a été formé par le nabab de la série B à tendance Z comme monteur avant d'accéder à la réalisation avec Piranhas. Sa rencontre avec Spielberg lui ouvrira les portes d'Hollywood avec le carton planétaire des Gremlins produit par Amblin. Malheureusement pour lui, la suite de sa carrière se soldera par de nombreux échecs que ce soit le tordant L'Aventure intérieure , le touchant Panic sur Florida Beach ou le frappadingue Gremlins 2 . Alors qu’il tourne pour HBO la farce anti guerre The Second Civil War , les portes de la Mecque du cinéma se ferment pour un cinéaste bien trop libertaire par rapport à une industrie tombée aux mains des services marketings qui ne veulent plus des discours politiques du réalisateur, et encore moins de ses références cinéphiliques d’un autre temps. Après Small Soldiers en 1998 ou même son ami Spielberg (le garçon n’est pas toujours fiable, John Landis s’en souviendra longtemps après le tournage de La Quatrième Dimension ) finit par le lâcher en donnant raison aux studios, il tourne ensuite en 2003 un Looney Tunes qui finira par ressembler à un long cauchemar pour un cinéaste dont les directives sont remises en cause en permanence par les financeurs. Dante se fera alors plus discret. Il revient tout de même au cinéma en 2009 pour un réjouissant petit budget en mode Twilight Zone intitulé The Hole qui malheureusement ne connaîtra qu’une sortie VOD en Europe. Il se tourne également vers la télévision où il filme plusieurs épisodes de séries dont l'anthologie Masters of Horror.

Pour appréhender son long-métrage Burying the E x , il faut faire table rase de l’époque où il tournait au sein des studios avec des moyens conséquents. Il est ici dans le cadre d’une petite production pour le marché de la VOD. De plus, ce film n’est pas un projet personnel pour Dante qui le réalise d’après un scénario d’un apprenti cinéaste nommé Alan Trezza qui reprend ici l'histoire de l’un de ses courts-métrages. Burying the E x est un long-métrage monté dans l’urgence qui a surtout été l'occasion pour son réalisateur de tourner un film après une série de projets avortés. Formé à l’école Corman, le réalisateur arrive tout de même à nous offrir une réjouissante série B malgré un budget étriqué et moins de 20 jours de tournage.

.

On retrouve tout de même dans le film des thématiques et des situations dramatiques propres à son cinéma. Comme dans les Gremlins , Burying the E x débute dans une petite échoppe où la magie semble encore agir bien que nous vivions au sein d'un monde matérialiste, par l’intermédiaire d’une petite figurine en forme de diable qui est censée réaliser des vœux. Comme dans son classique des années 80, les protagonistes de l‘histoire vont utiliser la magie sans y faire attention. Etouffé par une petite amie colérique, notre héros lui promet l’amour éternel au même moment où les doigts de la jeune femme rentrent en contact avec la figurine. Quelques minutes après, sa dulcinée finit sous les roues d’un camion. Mais au lieu trépasser pour de bon, elle se réveille et s'extirpe de son cercueil avec la ferme intention de vivre une relation de couple pour l’éternité. Pendant ce temps, notre héros a rencontré une jolie brune également fana de films d’horreur. La tâche va s’avérer difficile pour notre personnage principal qui va devoir gérer une ex zombifiée plus qu’envahissante.

On retrouve dans Burying the E le goût du réalisateur pour la citation. Son long-métrage est peuplé de références aux films cultes du cinéma d’horreur. L’amateur de cinéma fantastique se délectera ainsi des hommages à Christopher Lee, Bela Lugosi ou à La Nuit des morts-vivants de George Romero. Jamais gratuit, les différents extraits de films qui parsèment Burying the Ex enrichissent le récit en indiquant la situation émotionnelle du personnage. Il rend ici hommage au cinéma qui lui plaisait tant, quand il achetait adolescent les revues fantastiques spécialisées.

Enfin, par le biais du personnage principal et de sa nouvelle petite amie, il met en scène des fans de fantastique attachants qu'il trouve bien moins effrayants que certains bobos accros au lait de soja comme l’ex zombifiée. Dante a bien compris qu'au moment même où Hollywood commençait à l'oublier, que c'est le soutien des fans de fantastique, sur Internet entre autres, qui lui permettrait de continuer à tourner. Il veut ici leur rendre hommage en les présentant comme des personnes ouvertes et bienveillantes. Pour comprendre son amour pour le public de fans de genre, il suffit de voir son site Internet qu’il a co-créé Trailers from hell qui est une véritable mine d’or à disponibilité des internautes sur l’horreur, la science-fiction, la fantaisie, le culte et l'exploitation.

Soyons francs, ce n’est pas le meilleur film de Joe Dante même si on passe un bon moment. La raison est simple : un scénario prévisible et convenu. Pour autant, il faut souligner ô combien, il est toujours un metteur en scène solide. Mouvements de camera fluides, bonne direction d’acteur, le tout est emballé avec un savoir-faire que peu de cinéastes peuvent se prévaloir dans le cadre d’un micro-budget. De plus, il arrive à nous distraire tout en nous proposant en filigrane une radiographie de la société à l'instar de son long-métrage Les Banlieusards . Ici, il s’attaque pour notre plus grand plaisir à la notion de couple dans nos sociétés où les concessions conduisent souvent à l’échec. On suit donc avec plaisir cette série B, fun et décomplexée où les engueulades se concluent par des jets de vomi et les ruptures à coup de machette. À l’instar de son Piranhas produit par Corman, Burying the E x vous fera vivre une heure et demie plutôt sympathique avec un réalisateur qui semble toujours s’amuser à tourner. Réjouissant !

Mad Will