Alors que Disney+ vient d’être lancé, il manque des films à l’appel. Si certains longs-métrages ne sont pas là en raison de problème de droits, d’autres sont tout simplement victimes d’une forme de censure de la part d'une firme qui veut à tout prix oublier leur existence. Ces films montrent que Disney n’a pas toujours été cette société aseptisée produisant à la chaîne des films horriblement calibrés. Je vous propose aujourd'hui de revenir à une époque pas si éloignée, où la société prenait des risques et tentait de se réinventer.

Découvrez une sélection de long-métrages que vous ne verrez sans doute jamais sur Disney+ :

Condorman de Charles Jarrott

Commençons notre radiographie des productions Disney des années 80 avec le film Condorman , un ersatz de James Bond qui cartonna essentiellement dans un seul pays sur Terre : la France. Peut-être que la présence de Jean-Pierre Kalfon ou son ouverture tournée dans notre belle capitale, ont favorisé le succès de ce long-métrage dans la contrée du camembert. On aime Condorman tout simplement pour ce qu’il est, c'est-à-dire un divertissement pensé pour les plus jeunes, bardé de gadgets et contant les aventures fantaisistes d’un auteur de BD. Un petit film fichtrement sympathique dans lequel le héros réussira son vol final, grâce aux regards complices de son ami et de son amoureuse, nous rappelant ainsi que les rêves de l’enfance sont toujours possibles.

Le film en DVD : LIEN

 

La Foire Des Ténèbres de Jack Clayton

La Foire Des Ténèbres est une adaptation signée Ray Bradbury de son propre roman et qui est réalisée par Jack Clayton connu pour Les Innocents , Gatsby le magnifique ou Chaque soir à neuf heures. Le film met en scène une étrange foire ambulante qui débarque pendant la fête d'Halloween et qui est dirigée par un certain Mr. Dark. Deux enfants, Jim et Will vont devoir affronter cet étrange personnage qui s’attaque aux habitants de la ville.

Certaines scènes restent impressionnantes 30 ans après dans leur gestion de la tension. Je pense particulièrement à celle où les enfants sont cachés dans les égouts alors que M. Dark les traque dans la ville. Ombres menaçantes, gestion claustrophobe de l’espace par l’entremise de surcadrages, le cinéaste manie l’angoisse avec aisance. La Foire Des Ténèbres propose également une réflexion inattendue sur la famille. En effet, le film traite de l’angoisse d’un père qui culpabilise de son âge avancé et s’imagine incapable d’élever son fils. Il se trouve trop lent, trop chétif, trop intellectuel, et pense ne pas correspondre au père normé (des productions Disney habituelles) qui joue au foot et protège son enfant grâce à sa force physique. Si Clayton adopte le point de vue des enfants dans son film, c’est pour montrer avec subtilité que le monde des adultes est synonyme de lâcheté et de compromission.

Une petite merveille à découvrir. Un Disney assez sombre à voir à partir de 9 -10 ans avec les parents !

Le film en DVD : LIEN

 

Les Yeux de la forêt de John Hough

C’est sûrement le long-métrage le plus horrifique de cette sélection. Ne vous attendez tout de même pas à un film de Tobe Hooper en mode Massacre à la tronçonneuse, mais l’ambiance du film est vraiment pesante pour un Disney qui raconte quand même un rapt d'enfant. Le film s’appuie sur un scénario cosigné par Brian Clemens (Chapeau Melon et bottes de cuir ou Capitaine Kronos, tueur de vampires pour la Hammer).

Pour appréhender ce long-métrage, il faut l’imaginer comme une version crépusculaire du Club des cinq d’Enid Blyton. Le film a fortement marqué ses jeunes spectateurs de l'époque qui ne s’imaginaient pas aller voir une histoire aussi sombre. Les productions Disney étaient alors synonymes de divertissements familiaux gentillets. Côté interprétation, nous retrouvons la magistrale Bette Davis qui imprègne littéralement la pellicule, rappelant à Hollywood d'alors que le talent ne disparaît pas derrière les rides. Quand on redécouvre le film, on est saisi par la modernité des mouvements de caméra dans la forêt brumeuse. Ils annoncent en effet l'Evil Dead de Sam Raimi à venir. Le film est un petit classique de l’épouvante grâce une séquence culte magnifiquement photographiée qui met en scène l’héroïne du film. Elle se regarde dans un miroir et entraperçoit alors dans un éclat de verre, une jeune fille aux yeux bandés prisonnière du reflet et qui l’appelle au secours.

Malheureusement, Les yeux de la forêt est aussi une œuvre mort-née qui a été rejetée par la presse américaine lors d’une projection publique alors que le film n'était même pas finalisé. Disney prend peur et se débarrasse du réalisateur John Hough (ancien de la Hammer lui aussi) et fait réécrire une nouvelle fin plus orientée SF. Mauvais choix, car cette nouvelle conclusion n’est guère convaincante. Néanmoins, on peut trouver dans certaines éditions DVD actuelles, la fin voulue et recrée par Hough qui résout le film d’une façon plus horrifique. (La fin alternative : https://www.youtube.com/watch?v=Bkpf2IzmMVg)

Une œuvre adolescente typique du « Dark Disney qui possède beaucoup de charmes et que je vous invite à découvrir.

PS : Il existe un remake du film dont les avis sont catastrophiques.

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Le Dragon Du Lac De Feu de Matthew Robbins

Pour finir, je vais vous parler d’un film d'Heroic fantasy injustement ignoré par l’histoire du cinéma, une œuvre passionnante produite par Disney et Paramount. Je parle bien sûr du Dragon du lac de feu qui nous relate l’histoire du dernier affrontement entre un magicien et le dernier des dragons. Ce long-métrage est tout simplement le meilleur film mettant en scène un dragon, qu’il n’en déplaise aux fans du Smaug de Peter Jackson.

Quand on redécouvre cette œuvre presque 30 ans après sa sortie, on est émerveillé par les magnifiques extérieurs filmés avec un grand sens du cadre par Matthew Robbins. Il faut souligner également le remarquable travail de Derek Vanlint, son chef opérateur, sur les scènes nocturnes littéralement plongées dans les ténèbres où la seule présence humaine est signifiée par des torches. Le metteur en scène du film a travaillé pour Spielberg en tant que scénariste et réalisateur de seconde équipe, il a donc parfaitement compris la puissance suggestive du cinéma qui est à l’oeuvre dans Les Dents de la mer . Il donne donc littéralement vie à son dragon en nous le faisant entrapercevoir durant une heure de film avant de le dévoiler complètement dans la scène où notre héros pénètre le lac de feu. En dehors des incrustations du combat final, le film offre le plus beau et menaçant dragon du cinéma !

Le Dragon du lac de feu est très différent des autres films d'héroic fantasy à destination de la famille tels que Willow . En effet, le long-métrage refuse tout manichéisme avec ce dragon qui veut continuer à exister et souhaite venger ses progénitures. Nous avons également un portrait pathétique d'un roi qui gouverne seulement pour les possédants et qui prend peur devant le sacrifice de sa fille. Enfin, les auteurs du film s'attaquent à la religion catholique qui manipule les masses. La conclusion du film, où l’on voit ce roi ubuesque planter son épée dans le cadavre du dragon alors que résonnent les psalmodies d’un religieux, est assez formidable. Le dragon, le dernier de son espèce était seulement l’incarnation d’un paganisme qui essayait tant bien que mal de survivre.

Un grand film a besoin d’une grande musique. C’est Alex North, compositeur pour Huston ou Kubrick (Spartacus ) qui est à la baguette. Il nous livre ici une œuvre brillante qui illustre parfaitement les temps obscurs mis en scène dans le film.

Un Disney que l’on réservera à des enfants de plus de 9-10 ans en raison de sa noirceur et certaines morts violentes. Un film qu’il était néanmoins  indispensable de réhabiliter et de faire découvrir !

Le film en DVD : LIEN

Mad Will

PS :  Il manque aussi le long métrage Mélodie du Sud de 1946. Un oubli pas forcément gênant car ce Mary Poppins chez les sudistes a souvent été taxé de raciste.