Le film est disponible sur UniversCiné : https://www.universcine.com/films/peur-sur-la-ville

Peur sur la ville a été un tournant dans la carrière de notre bébel national. En effet, le film sort après l’échec public du Stavisky d’Alain Resnais. Jusqu’alors Belmondo avait alterné entre le cinéma d’auteur et des productions plus grand public, nous réjouissant avec les films d’aventures de Philippe de Broca comme L'Homme de Rio .

Mais suite à la présentation à Cannes de Stavisky et aux critiques désastreuses qui accompagnèrent la sortie du long-métrage, il décida de tourner le dos à un certain intellectualisme dont il avait l’impression d’avoir été la cible malgré la présence à la caméra du réalisateur de Nuit et brouillard . Avec Peur sur la ville , Belmondo va interpréter pour la première fois un flic et va créer avec son réalisateur Henri Verneuil un personnage d’action viril qu’il ne cessera de reproduire ensuite de film en film pour le meilleur et pour le pire dans les années 80. À ce titre, Peur sur la ville n’est pas la première collaboration entre l’acteur et le cinéaste qui avaient déjà tourné ensemble Un singe en hiver , Cent mille dollars au soleil, Le Casse ou bien encore Week-end à Zuydcoote .

Si Peur sur la ville a cartonné dans les salles, il le doit en grande partie à son metteur en scène Henri Verneuil qui a conçu un film d’action ultra efficace qui met en valeur son acteur principal. Le réalisateur y fait preuve d’une technique sans faille. À ce titre, il nous offre des cascades (réalisées par Belmondo lui-même) parmi les plus mémorables du cinéma hexagonal. Verneuil disposait vraiment d’un savoir-faire au sens le plus noble du terme. Il n'avait rien à envier question découpage et efficacité aux thrillers américains, tout en plaçant son film dans une réalité très française avec ses vieilles Renault et ses bistrots un peu louches. Surtout Peur sur la ville est l’un des longs-métrages qui a le mieux utilisé Paris comme décor de film lors de la chasse à l’homme dans le métro ou pendant la poursuite sur les toits de Paris dans le quartier de l’Opéra.

Quand on l’interrogeait sur Verneuil, Belmondo déclarait que c’était le cinéaste le plus préparé et le plus précis dans ses directives qu’il avait connu. D’un calme olympien sur les plateaux, il savait parfaitement où placer sa caméra et faisait le bonheur de ses équipes par sa connaissance de tous les aspects techniques liés à la fabrication d’un film. Il était également un cinéaste cinéphile et curieux qui savait s’inspirer du cinéma qui se faisait ailleurs. Il est clair que les scènes de meurtre de Peur sur la ville font penser aux giallos de Mario Bava avec ces gros plans sur le téléphone et le recours à une photographie privilégiant les couleurs primaires. Ainsi, la première scène de meurtre de Peur sur la ville est très proche du premier sketch des 3 Visages de la peur de Bava avec Michèle Mercier. Verneuil s’inspire également du cinéma américain par le biais de la séquence avec les mannequins dans le grand magasin qui reprend certains plans du Baiser du tueur de Stanley Kubrick. Enfin, comment ne pas évoquer l’influence de L'Inspecteur Harry de Don Siegel qui a servi de modèle pour façonner le personnage de Belmondo qui est tout aussi incontrôlable et franc-tireur (au sens propre et figuré) que le héros popularisé par Clint Eastwood.

Quand on regarde la maestria de Verneuil sur Peur sur la ville , on se dit qu’il serait temps de donner sa place de réalisateur majeur du cinéma français à un cinéaste trop longtemps boudé par la critique. Un réalisateur pourtant respecté en dehors de nos frontières, qui a beaucoup influencé Tarantino pour l’ouverture de Reservoir Dogs qui renvoie à son film Mélodie en sous-sol.

Si Peur sur la ville est une réussite, il le doit aussi à l’un des plus célèbres scénaristes du cinéma français : Francis Veber. En effet, si l’intrigue du film était novatrice à l’époque pour le cinéma hexagonal, nous avons depuis été abreuvés jusqu’à l’écoeurement de films où un psychopathe affronte un flic. Néanmoins, nous prenons toujours du plaisir à voir le film en partie grâce à Veber qui nous régale avec ses dialogues efficaces, pleins de second degré, qui fonctionnent toujours aussi bien à l’écran. La présence de Francis Veber sur un film policier n'est pas forcément évidente. En effet, il est essentiellement connu comme le scénariste vedette de la comédie hexagonale avec Le Dîner de cons , Le Jouet ou La Chèvre . Il ne faudrait cependant pas oublier qu’il rédigea aussi les scripts d'oeuvres beaucoup plus sombres comme Adieu poulet de Pierre Granier-Deferre ou Coup de tête de Jean-Jacques Annaud. De plus, il a opéré en tant que script doctor (réécrire les scenarii brinqueballants), sans être crédité, sur de grosses productions françaises. Il aurait, selon ses dires, pas mal travaillé sur les films de Besson des années 80, chez la Gaumont, comme Le Grand Bleu .

De la même manière la musique d’Ennio Morricone crée une ambiance mortifère, grâce à un thème principal très sombre et répétitif digne des créations du maestro italien pour la trilogie animale d’Argento (Le Chat à neuf queues ...)

Si le film repose en grande partie sur les épaules musclées de Jean-Paul Belmondo, il ne faudrait cependant pas oublier les excellents seconds rôles qui l’entourent, que ce soient Charles Denner dont le charisme, la voix basse et le jeu retenu lui permettent réellement d’exister à côté d’un Bebel flamboyant ou bien encore une Rosy Varte bien meilleure que dans la série Maguy. Enfin, le film peut compter sur la présence de l’italien Adalberto Maria Merli dont le faciès particulier et le jeu fiévreux en font l’un des tueurs en série les plus mémorables du cinéma français.

Même s’il est multidiffusé depuis plus de 40 ans, on passe toujours un excellent moment devant Peur sur la ville qui témoigne de la qualité des productions d’un cinoche populaire français des années soixante-dix.

Un thriller à voir ou revoir tout simplement sur UniversCiné : https://www.universcine.com/films/peur-sur-la-ville

Mad Will