Vous aimez les bagarres viriles, la bière qui coule à flots et le blues à la Popa Chubby connu pour sa chanson Sweet Goddess Of Love And Beer,  je vous recommande alors de regarder le sympathique Road House de Rowdy Herrington disponible sur Amazon Prime Video (Lien). Un plaisir coupable mais sacrément jouissif, qui aura gagné au fil des années une importante communauté de fans malgré les cris déchaînés de la critique qui au crépuscule des années 80, avait considéré le film comme un objet décérébré. Pourquoi un tel culte ? Je vais essayer de décrypter les raisons qui font de Road House une série B attachante à consommer sans modération.

Road House s’appuie sur une distribution solide et plutôt inhabituelle pour un film d’action avec des acteurs tels que Sam Elliott ou encore Ben Gazzara qui ont plutôt œuvré dans le cinéma indépendant. Mais surtout Road House a comme héros, le charismatique Patrick Swayze dont le physique d’ancien danseur est assez atypique dans un genre où l’on est plus habitué aux gros bras à la Stallone.  Le physique assez filiforme de l’acteur devient même un gag récurrent. En effet, tous les protagonistes ne cessent de lui répéter qu’il s’attendait à un mec plus baraqué en tant que videur. Au final, Swayze s’en sort plutôt bien en adepte des arts martiaux qui ne frappe fort que lorsque la situation le pousse à agir. Ce n’est pas le plus impressionnant combattant que le cinéma nous ait donné, mais il s’avère très gracieux et plutôt doué dans les affrontements à mains nues. Surtout ces capacités en matière de jeu d’acteur (il suffit de le voir dans Donny Darko ou Point Break ) sont bien supérieures aux stars des films d'action d'alors comme Steven Seagal. À ses côtés, dans le rôle de son meilleur ami, Sam Elliott est tout bonnement excellent. Il apporte beaucoup d’humanité à son personnage dont le corps usé et les déplacements témoignent des coups reçus dans le cadre de son métier de videur. Comme quoi, un bon comédien (nominé à l’Oscars, il y a deux ans pour le meilleur second rôle) par sa diction, son regard souvent intense et sa façon de se mouvoir, peut faire exister un personnage sur le papier pas vraiment développé.

Le méchant du film est l’acteur fétiche de John Cassavetes, M. Ben Gazzara. Plutôt connu pour sa carrière dans le cinéma d’art et d’essai, il crève ici l’écran en méchant capitaliste avide de sang. Il crée un personnage inquiétant, car imprévisible et rappelle par moment par sa manière de jouer, les sociopathes des films de David Lynch tels que Dennis Hopper de Blue Velvet ou Ray Wise dans Twin Peaks .

Le casting du film arrive à rendre vivant un scénario assez basique qui s’avère un copié-collé des histoires de cowboys. Remplacez les colts par des coups de tatanes, le saloon par la boîte de nuit du film, et vous obtenez un western avec un patron de supermarché qui agit comme les grands propriétaires terriens qui exproprient les habitants des villes de l’ouest. La réalisation de Road House est dans la lignée des classiques des westerns américains. D’une grande lisibilité dans son découpage, porté par un très beau Cinémascope, ce long-métrage peut compter sur une très belle photographie et des cadrages extrêmement soignés.

Au regard de la filmographie du réalisateur qui compte des navets comme Piège en eaux troubles, il est probable que le visuel de Road House soit surtout l’œuvre de son chef opérateur : l’immense Dean Cundey qui fut le directeur de la photographie attitré de Carpenter jusqu’à The Thing , mais aussi celui de Spielberg sur Jurassic Park ou de Zemeckis sur les Retour vers le futur . À la manière des longs-métrages de Carpenter, la mise en scène classique de Road House (que j’attribuerais donc à Dean Cundey) passe bien mieux les époques que bon nombre de films des années 80 influencés par les vidéoclips, qui multiplient les éclairages à néons et les plans de ventilateur.

Outre sa mise en scène et son casting, le film a un atout de poids avec la musique du Jeff Healey Band qui accompagne les scènes de bar du film. Alors que le rock FM bardé de synthétiseurs était à la mode à Hollywood, nous avons ici une bande originale qui nous plonge dans l’ambiance des troquets du sud des USA. Jeff Healey qui joue son propre rôle dans Road House , est un bluesman américain, aveugle depuis ses un an. Ses morceaux blues rock sont extrêmement énergiques et apportent beaucoup d’entrain aux séquences de baston. Si vous êtes un tant soit peu réceptif à la six cordes (la guitare électrique) et aux voix rocailleuses, vous apprécierez l’ambiance musicale du film totalement anachronique par rapport à la musique de 1989 que l’on entendait à la radio.

Il est clair que le film n’est pas forcément un objet pensé pour les intellectuels à la recherche d'un message philosophique sur la place de l'homme dans le monde surtout que Road House est une oeuvre souvent putassière question nudité (vous verrez des seins, mais aussi Patrick dans le plus simple appareil !) qui essayait avant tout de s’inspirer des succès passés tels les films de karaté de la Cannon ou bien le Cocktail avec Tom Cruise.

Mais le résultat est vraiment sympathique grâce à l’équipe du film qui a réussi à faire d’un simple produit de masse, une excellente série B. Road House est un long-métrage super plaisant pour se vider un peu la tête en ces temps de confinement  !

Mad Will