Satoshi Kon a su nous proposer de nouvelles nouvelles perspectives en matière de mise en scène grâce aux possibilités offertes par le cinéma d’animation. Parti trop tôt, il aura inspiré tout de même inspiré nombre de cinéastes tels que Christopher Nolan (Inception ) ou Aronofsky (Requiem for a Dream ) qui ont repris plan par plan des séquences créées dans les films du réalisateur japonais.

Pour appréhender Millennium Actress , il faut envisager le film comme le double positif et apaisé du premier long-métrage de Satoshi Kon : Perfect BlueEn effet, ces deux oeuvres utilisent le cinéma pour nourrir leur fiction. Cependant dans le cas du ténébreux Perfect Blue , le septième art venait illustrer la perte d’identité de son héroïne alors que dans Millennium Actress , le cinématographe fait plutôt fonction de catharsis et aide le personnage principal à vivre.

Le réalisateur nous propose ici de redécouvrir l'histoire du cinéma japonais. Le film s’ouvre ainsi par la destruction des vieux studios d’une major du nom de Ginei (Kon s’inspire ici des studios Shōchiku). Cette démolition cristallise le fait que beaucoup de Japonais connaissent peu voire pas du tout leur riche cinématographie en dehors des adaptations de manga. Ensuite, alors que s’égrènent les mémoires de son héroïne Chiyoko Fujiwara, Kon va recréer des séquences qui rendent hommage par le biais de leur esthétique aux maîtres du cinéma japonais que sont Kurosawa (Le Château de l'araignée ), Mizoguchi (Les Contes de la lune vague après la pluie ) ou Honda (Godzilla ).

À l’instar des grands maîtres du dessin animé tels que Walt Disney ou Ralph BakshiSatoshi Kon a parfaitement compris que l’animation n’avait pas d’autres frontières que celles de l’imagination du réalisateur. Dans le cas de Millennium Actress , un simple nuage de fumée permet au cinéaste de faire succéder devant nos yeux ébahis, les différentes étapes de la vie de notre héroïne et de l’histoire du pays. Chez Kon, il n’y a aucune limite d’espace et de temps, les fondus au noir n’existent plus et sur notre écran dix ans de vie se déroulent en quelques secondes. Il n’hésite pas non plus grâce à l’animation, à réunir différents protagonistes qui vivent aux antipodes l’un de l’autre dans un même plan.  Le spectateur n’est pourtant jamais exclu par le réalisateur, car Satoshi Kon utilise avant tout sa virtuosité pour parler d’amour. Un sentiment que l’on retrouve aussi bien dans l’admiration de l’interviewer pour le monde du cinéma que dans les sentiments de l’héroïne pour l’homme qu’elle a rencontré durant son enfance.

Kon est dans la lignée d’un Orson Welles et de son célèbre Citizen Kane . En effet, tous deux nous plongent dans un monde constitué d’images et de sons où la réalité semble subjective car reliée au point de vue de chaque protagoniste. Pour autant, les deux films vont utiliser au final de simples objets du quotidien, que soit un traîneau pour Citizen Kane ou une clef pour Millennium Actress , pour nous livrer un message simple et poignant sur les fêlures de notre enfance qui construisent l’adulte que nous sommes.

Si Satoshi Kon a souvent été considéré comme un cinéaste plutôt cérébral, son Millennium Actress est pourtant riche en émotions grâce à un final d’une grande puissance dramatique qui nous renvoie à nos propres existences où les regrets sont souvent plus importants que les moments de joie. Il y a 18 ans, le film n'avait pas eu le droit à une sortie sur nos écrans. Grâce à la Septieme Factory, vous allez pouvoir voir en salles cette oeuvre majeure signée par l’un des plus grands cinéastes de ces 30 dernières années.

Indispensable tout simplement !

Mad Will