Le film est disponible en VOD à cette adresse : http://www.universcine.com/films/la-carriere-d-une-femme-de-chambre

Le résumé de La Carrière d'une femme de chambre

En 1935, à Venise, la jolie Marcella, femme de chambre dans un hôtel du Lido, contemple, béate d'admiration, les fastes du célèbre festival. Bientôt, elle n'a plus qu'une idée en tête : devenir une star à son tour. Elle abandonne Roberto, son encombrant fiancé, et s'arrange pour devenir la maîtresse de Benito Mussolini, ni plus ni moins. Le Duce fait d'elle une vedette. La voilà honorée par Cinecittà toute entière. Les années passent. En 1943, Mussolini est capturé et pendu par un groupe de résistants. Le régime fasciste s'effondre aussitôt. Prudente, Marcella s'enfuit, histoire de se faire oublier. De retour à Venise, elle séduit et épouse un riche industriel suisse. Mais, Roberto ne l'a pas oubliée...

La critique :

Si l'on souhaite évoquer un sommet de la comédie italienne tel que La Carrière d'une femme de chambre , il est indispensable de se replonger dans l'histoire du cinéma italien durant la période dite "des téléphones blancs". Risi avait ainsi choisi comme titre orignal Telefoni Bianchi afin d'évoquer une série de longs-métrages tournés de 1937 à 1941 qui mettaient en scène des marivaudages par le biais de communications téléphoniques. Si la plupart des Italiens dans leur vie de tous les jours utilisaient des téléphones noirs, ces films employaient des combinés blancs pour nous signifier la réussite financière de ses personnages filmés dans des appartements suréclairés.

Le film de Risi s'ouvre par une projection au festival de Venise et critique une Italie fasciste où le septième Art est en plein boom grâce à la création de la Cinecittà par le Duce qui subventionne massivement les films promouvant le régime. Pendant presque deux heures et pour notre plus grand plaisir, Dino Risi va tirer à boulets rouges sur l'Italie de l'époque par le biais des aventures galantes de la magnifique Agostina Belli qui passera du statut de femme de chambre à actrice. Le réalisateur italien adopte ici un style outrancier où le grotesque (le suicide au bord de mer, la visite à l'hôpital...) côtoie l’horreur de la guerre à travers les récits du fiancé d'Agostina. Cette écriture souvent féroce était néanmoins indispensable pour montrer comment l'Italie s’est perdue à suivre les rêves absurdes d’un tyran.

Le cinéaste italien n’est pas tendre avec la gent masculine. Que ce soit cet amoureux transi dont l‘innocence cache une certaine lâcheté ou bien ce bossu qui se présente en sauveur des plus faibles pour mieux récupérer quelques billets en vendant une famille juive, le film nous montre des mâles incapables de tenir le moindre engagement par rapport à notre héroïne. Rappelant parfois l’Histoire de Juliette chez le marquis de Sade, La Carrière d'une femme de chambre est un conte cruel ou les bonhommes sont des machistes d’opérette qui abusent de leur pouvoir et contre lesquels les femmes n’ont que le sexe comme contre-pouvoir. Le film ne juge jamais son héroïne et s’avère au final une oeuvre plutôt féministe pour l’époque, car la jolie Marcella se sert de la médiocrité et de la bêtise des hommes qui la considèrent comme une ingénue. Sa sexualité, elle utilise avant tout pour combler ses besoins financiers et sexuels. Ainsi lorsqu’elle couche avec le garagiste, ce n’est pas seulement pour obtenir un pneu pour la voiture, c’est avant tout pour son propre plaisir au regard des attributs physiques plutôt impressionnants de l’employé du garage. Ce sont les mots mêmes de sa mère qui définissent le mieux le trajet du personnage et sa décision de s’élever socialement grâce à sa grande beauté dans un monde corrompu par l’idéologie fasciste : "il vaut mieux être une putain qu’une esclave".

Au final, La Carrière d'une femme de chambre s'avère d’une grande richesse thématique. En effet, ce long-métrage est à la fois une satire du fascisme, un conte initiatique autour d’une femme qui prend conscience du pouvoir de la sexualité et le portrait grinçant du monde du cinéma par le biais d'un Vittorio Gassman qui joue avec beaucoup de truculence le bouffon d’un système conscient de l’horreur qu’il défend. Mais surtout, ce long-métrage est le portrait d’une femme forte qui évoque les héroïnes de Verhoeven à venir, que ce soit dans Basic Instinct ou Black Book . Risi nous dresse le portait d’une femme volontaire dans un monde misogyne, qui se sert de la médiocrité des hommes pour survivre.
L'héroïne est interprétée par l’envoûtante Agostina Belli qui s’avère parfaite face à des monstres sacrés du cinéma italien comme Vittorio Gassman ou Ugo Tognazzi, et il devient évident qu’il est indispensable de voir ou revoir ce sommet de la comédie italienne.


Mad Will