Fortress est un vestige de l’époque bénie où les vidéoclubs étaient des sanctuaires de la cinéphilie qui illuminaient nos tristes existences grâce à la chaleureuse ambiance qui y régnait. L’importance du marché de la vidéo permettait alors à de petites boîtes de production de nous proposer des séries B qui se rentabilisaient et dégageaient même des bénéfices grâce à nos magnétoscopes. Même si ces films de genre ne pouvaient pas rivaliser avec les blockbusters de studios, c’étaient des divertissements réussis qui pouvaient compter sur un budget suffisamment important pour offrir un minimum de spectacle. Typique de ce genre de production, Fortress est à l’image de son réalisateur Stuart Gordon qui a toujours réussi à offrir un spectacle distrayant et parfaitement rythmé, malgré des moyens limités. Dans le cadre du film d’évasion cybernétique qui nous occupe aujourd’hui, il offre à Christophe Lambert , l’un de ses meilleurs rôles dans le cinéma d’action à une époque où celui-ci enchaînait les nanars comme La Proie ou Deux doigts sur la gâchette avec Mario Van Peebles .

Côté casting, Stuart Gordon offre ici un rôle secondaire à Jeffrey Combs qui jouait Herbert West dans son  excellent Re-Animator . Acteur au jeu très physique dans la lignée d’un Bruce Campbell ou Jim Carrey, il est tout bonnement parfait dans le rôle d’un psychotique féru d‘informatique. Série B oblige, nous retrouvons l’excellent Kurtwood Smith qui est toujours convaincant quand il s’agit de jouer un sadique que ce soit dans Fortress ou bien RoboCop . Enfin, le cinéphile déviant amateur de gros bras sera comblé avec la participation du Freddy Mercury du cinéma bourrin, le moustachu Vernon Wells vu dans Mad Max 2 ou Commando où il partageait l’affiche avec Arnold Schwarzenegger. Le duo mythique de Commando aurait même dû se retrouver à l’écran pour Fortress mais l’acteur d’origine autrichienne quitta le projet pour tourner Last action Hero .
Faute d’avoir l’acteur de Terminator, la production engagera alors  Christophe Lambert et ne réunira que 10 millions de dollars au lieu des 70 millions prévus pour le budget. Une somme modique pour tourner un film de science-fiction, mais un défi pas insurmontable pour Stuart Gordon habitué à faire des miracles avec les budgets faméliques. Le film était l’occasion pour le réalisateur de se frotter à nouveau à la science-fiction qu’il avait abordée avec Robot Jox qui influencera plus tard Guillermo del Toro pour Pacific Rim .

Venant du théâtre expérimental et véritable esthète quand il s’agit de s’atteler aux genres honnis par la critique bien-pensante, l’ami Stuart Gordon a toujours été un cinéaste généreux pour tourner des scènes d’horreurs, de cul ou d’action. Dans Fortress , il expédie l’exposition censée nous montrer une société où les naissances sont prohibées et balance directement Lambert dans une prison souterraine alors que le film n’a pas démarré depuis 10 minutes.  Le reste du film sera ensuite une succession d’épreuves auxquelles notre "cricri national " devra faire face pour enfin sortir de la Fortresse. Même si certaines péripéties dans le film sont convenues, la grande force de Gordon est de ne jamais faiblir question rythme afin de maintenir l’attention du spectateur.

Si nous n’avons pas le droit à un déluge de viscères ou un cunnilingus post mortem comme dans son Re-Animator , il n’oublie cependant pas son passé dans le bis et nous donne à voir pour notre plus grand plaisir des intestins qui explosent et des scènes de nus dans le cadre d’un long-métrage tout public. Fortress est avant tout le témoignage d’une époque où il y avait de vrais réalisateurs à la tête de séries B. Malgré un budget limité, les choix d’angles de caméra utilisés par Stuart Gordon et sa mise en scène arrivent ainsi à nous faire croire à son immense prison cybernétique.

Fortress est un excellent film du samedi soir que je vous invite à voir et à revoir !

Mad Will