Leviathan ressemble un peu à ces équipes de football montées par des milliardaires qui pensent que pour gagner une coupe d’Europe, il suffit de réunir sur le terrain des noms prestigieux qui garantiront le résultat. Mais comme tout amoureux du ballon rond le sait, il ne suffit pas d’avoir de très bons joueurs techniques, encore faut-il avoir un système de jeu et une idée du football que l’on veut mettre en place. Avec Leviathan , la famille Laurentiis pensait frapper fort au box-office en réunissant de nombreux talents ayant oeuvrés sur des classiques du cinéma. Ainsi, pour la direction artistique, Leviathan pouvait compter sur l’expertise de Ron Cobb , l’un des plus grands chefs décorateurs du cinéma américain. Cobb est en effet connu pour La Guerre des étoiles (1977), Alien (1979) et Conan le Barbare, mais aussi pour Retour vers le futur ou Total Recall . Pour les effets spéciaux, les producteurs ont choisi tout simplement le meilleur studio de l’époque, celui de Stan Winston qui supervisa entre autres les effets spéciaux mécaniques de Jurassic Park . Enfin, pour éclairer tout ça, nous retrouvons l’un de mes chefs opérateurs préférés avec Alex Thomson qui a éclairé La forteresse noire , le Legend de Ridley Scott et surtout Excalibur et Eureka . Son style est unique, aux limites du baroque, avec des couleurs vives et des contours ciselés grâce à des lumières qui donnent beaucoup de profondeur aux décors. Pour écrire le script, la production engage David Webb Peoples, qui a signé les scénarios d’Impitoyable , Blade Runner et L'Armée des douze singes . Il fait ici équipe avec l’un des scénaristes de Piège de Cristal pour écrire une histoire dans la lignée d’Alien . Enfin, pour mener à bien ce projet, c’est  le réalisateur George Pan Cosmatos qui est engagé. Un metteur en scène dont on a du mal à connaître les réelles capacités en matière de réalisation. En effet, selon certaines mauvaises langues, il aurait été pris sur Rambo 2 ou Tombstone comme prête-nom pour permettre à Stallone et Kurt Russell de réaliser le film sans avoir à rendre de compte à la guilde des réalisateurs aux USA.

Du côté du casting, la production engagea Peter Weller qui était alors au sommet de sa carrière grâce à Robocop . À ses côtés, nous retrouvons des seconds rôles solides du cinéma américain que ce soit Richard Crenna vu dans Rambo , Daniel Stern l’un des malfrats de  Maman, j'ai raté l'avion ou bien Ernie Hudson de Ghostbuster . N’oubliant pas non plus Meg Foster dont les yeux bleus très clairs ont envoûté le public que ce soit chez Sam Peckinpah pour Osterman week-end , ou dans La Forêt d'émeraude de John Boorman sans oublier Invasion Los Angeles ou bien encore Les Maîtres de l'univers .

Mais que raconte le film ?

Au large de la Floride, par 3500 m de fond, une équipe de géologues placée sous la direction de l'éminent Steven Beck étudie l'exploitation des ressources océanographiques. Au cours d'une sortie, Sixpack, un des membres de la mission, découvre l'épave du Leviathan, un vaisseau soviétique censé croiser dans les eaux de la Mer Baltique. De retour à bord, Sixpack présente les symptômes d'une mutation génétique, qui entraîne rapidement sa mort. Son cadavre se transforme alors en une créature visqueuse et particulièrement dangereuse. Bientôt la contagion s'étend à d'autres membres de l'équipe...

À la fin des années 80, les fonds marins ont remplacé dans l’inconscient de nombreux créateurs les voyages dans l’espace. Nos avons ainsi eu le droit à la sortie de films comme Abyss (avec lequel Leviathan partage une partie de son équipe technique) ou M.A.L. (Mutant aquatique en liberté) une production Carolco tournée par le metteur en scène de Vendredi 13 . Avec Leviathan , le clan Laurentiis est sûr de titrer son épingle du jeu grâce à l’équipe de cadors d’Hollywood qu’il a engagée. Et je peux vous assurer que lorsque l’on regarde le film en Blu-Ray, le long-métrage est splendide d’un point de vue du visuel et devait faire forte impression sur les spectateurs de l’époque. Le chef opérateur de Legend nous offre des images magnifiques des fonds marins avec des bleus superbes. Les intérieurs sont également parfaitement éclairés grâce à des jeux de lumière sophistiqués qui renforcent l’impression de profondeur.  Nous sommes réellement dans le haut du panier de ce qui se faisait à l’époque. De la même manière, les décors et les costumes sont superbes et n’ont pas pris une ride. La réputation du film de n’être qu’une petite série B est dur pour un film où il y a une réelle excellence technique.

Il est vrai que le film n’est pas forcement original malgré sa facture technique impeccable. La raison est simple : son scénario n’invente rien et pique beaucoup à The Thing et surtout à Alien . David Webb Peoples reprend ici le concept de la firme qui manipule ses ouvriers pour protéger un monstre qui aime se dissimuler dans le système gastrique. Le scénario tient plutôt bien la route et les personnages sont correctement développés que ce soit ce médecin dont le passé semble peser lourd dans ses décisions ou bien ce capitaine qui lit des bouquins de management afin de créer du lien avec ses collègues. Au final, à l’image de son script solide qui ne propose rien de nouveau, le film reste une oeuvre de commande voulue par ses producteurs qui désiraient avant tout faire un long-métrage à la Alien . Le professionnalisme des techniciens sur le film permet néanmoins à Leviathan d’être un divertissement hautement recommandable qui rappelle les productions internationales des années 60 qui  réunissaient les meilleurs acteurs et réalisateurs pour un résultat parfois ampoulé, mais toujours agréable à suivre comme Candy avec Richard Burton ou La Bible de John Huston .

Avec Leviathan , nous avons le droit à une heure et demie d’ Alien sympatoche. Une bonne série B dont l’excellence technique lui a permis de plutôt bien passer les années et qui vaut bien mieux que sa réputation de film de seconde zone. À découvrir.

Mad Will