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Ah, Les Banlieusards ! Une fois encore, je vais vous parler d’un film que j’ai découvert enfant sur Canal Plus. Fan des aventures de Gizmo , j’ai vu pour la première fois ce long-métrage un dimanche soir à 18 heures. Un créneau horaire qui me permettait de voir pas mal de films sans devoir me coucher tard et batailler avec mes parents. J’avais adoré le film à l'époque et je l’apprécie tout autant 30 ans après. En effet, Dante est vraiment un maître quand il s'agit de doser humour et horreur. Il y a chez lui une vraie générosité en matière de divertissement qui n’occulte cependant jamais la peinture au vitriol de nos sociétés présente dans presque tous ses films. Ce réalisateur est tout simplement un auteur majeur des années 80 qui est à présent ignoré par les studios qui lui ont fait payer ses échecs au box-office. À l’instar d’un Spielberg , il est l’un des derniers cinéastes cinéphiles dont l’oeuvre est la parfaite transition entre le cinéma classique et moderne, un réalisateur capable de citer Bava et Walt Disney dans un même plan, mais qui a perdu sa place dans un Hollywood qui rejette toute notion d’art ou de cinéphilie.

Les Banlieusards est une commande faite à Joe Dante qui attendait le feu vert des studios pour la suite des Gremlins qui prenait du retard en raison d’une grève des scénaristes. Ce film témoigne de la perte d’influence d’un réalisateur qui n’est plus considéré comme le papa du carton planétaire des Gremlins mais comme le responsable des échecs successifs de l’Aventure Intérieure et Explorers . Ce long-métrage inédit dans les salles françaises s’inspire de Fenêtre sur cour et met en scène le formidable Tom Hanks qui épie ses nouveaux voisins, convaincu de faire face à des meurtriers. À noter que le titre original The Burbs a été choisi pour sa ressemblance phonétique avec The Birds afin de rendre hommage à Sir Alfred Hitchock .

Au final, Les Banlieusards ne sera pas forcément une bonne expérience pour Joe Dante qui a vu son film remonté par le studio qui décida de supprimer les scènes qui indiquaient que le personnage principal dissimulait son licenciement à son entourage. Un sous texte social qui justifiait en partie les fixations du personnage et son attitude un tant soit peu dépressive. De la même manière, le studio le forcera à filmer une séquence ou notre protagoniste principal fait la morale à ses comparses sur le fait de surveiller ses voisins. Un dialogue auquel ne croit pas le réalisateur tant la scène est mal filmée et ne s’accorde pas avec le ton général du film que l’on pourrait qualifier de farce horrifique. Enfin, la fin choisie par Universal plus consensuelle n’est pas celle désirée par Dante .

Malgré la pression du studio, Joe Dante a réussi à signer une excellente satire de l’American way of life dont les décors serviront dix ans plus tard à une série qui se moquera également des banlieues pavillonnaires américaines : Desperate Housewives. Mais ici, pas de femmes au foyer sous neuroleptiques, mais plutôt une ribambelle de mâles immatures de 40 ans qui se cachent pour fumer et traitent leur conjointe comme si elles étaient leur maman, en les embrassant sur la joue. Dans ce film, Dante dénonce également la mentalité belligérante de son pays à travers l’attitude de ses héros qui risquent leur vie et finissent par détruire leur quartier pour prouver que leurs voisins sont des satanistes. Une attitude qui nous rappelle l’attitude des USA pendant la dernière guerre du Golfe qui étaient prêts à inventer n’importe quelle excuse pour attaquer l’Irak. Souvent excellent dans ses choix de casting, Dante va donc choisir pour jouer le réactionnaire et militariste de la bande, l’acteur Bruce Dern , une figure du cinéma libertaire des sixties. Par ce biais, il semble nous dire que les anciens hippies sont devenus les membres les plus réactionnaires de la société. Une vision plutôt prémonitoire quand on voit des anciens de Woodstock porter des tee-shirts à la gloire de Trump.

Au-delà de son message politique, Les Banlieusards s’avère un excellent divertissement que l’on pourrait qualifier de fantastique en raison de son ambiance. En effet, Dante ne cesse de rendre hommage à ce genre en s’inspirant des images de la Hammer et plus particulièrement Des vierges de Satan pour les séquences de rêves. Mais ce n’est pas le seul emprunt au cinéma fantastique dans le film puisque l’on aperçoit une tronçonneuse échappée de Massacre à la tronçonneuse et des personnages dont l’accoutrement fait penser aux vieux Frankenstein d'Universal.

D’un point de vue de la mise en scène, le cinéaste utilise une caméra très mobile et multiplie les effets cartoonesques avec des contre-plongées marquées. Des séquences comme la scène du cauchemar sont des vrais moments de bonheur. Le film fourmille vraiment de superbes idées de mise en scène à l’image de l’ouverture du film où la caméra zoome sur le logo d’Universal qui est une planète Terre. Un long zoom qui nous fait passer de la Terre aux USA puis se conclut par une vue aérienne du quartier où se déroule l’action. Haletant, amusant, The Burbs témoigne de l’immense talent de son réalisateur. Un film mineur dans la filmographe de Dante mais une réussite tout de même. À découvrir ou redécouvrir !

Mad Will