Le film en VOD : https://vod.canalplus.com/cinema/outland-loin-de-la-terre/h/1272957_40099

Outland ce sont avant tout des souvenirs liés à la défunte chaîne de la télévision française nommée La Cinq. Connue pour avoir diffusé Twin Peaks, elle proposait régulièrement les bandes-annonces des films à venir qui faisaient marcher à plein régime mon imagination d’enfant. À ce titre, représentez-vous donc à l’aube des années 90 l’état d’excitation du petit Mad Will, qui venait de découvrir la saga Highlander , et qui voit apparaître sur son écran cathodique une pub pour la diffusion d’un film de science-fiction nommé Outland, avec Sean Connery le maître d’armes de Lambert. À cette époque, Internet n’existait pas encore et il fallait souvent attendre des jours et des jours avant de pouvoir enfin voir le film. Si l’attente créait de la frustration, elle s’avérait tout de même bénéfique, car elle faisait travailler l’imaginaire et donnait ainsi plus de valeur aux choses. Ainsi, j’ai toujours considéré que la nostalgie des quadragénaires pour les longs-métrages des années 80 était liée aux conditions de visionnage des films plutôt qu’à leur qualité intrinsèque.

Mais que raconte le film ?

La Ligue des nations industrialisées a installé sur Io, un des satellites de Jupiter, une station d'extraction de sulfure. O'Niel vient d'y prendre ses fonctions en tant que chef de la sécurité. Les ouvriers sont souvent victimes d'accidents graves. O'Niel découvre rapidement que leur fréquence est proportionnelle au rendement exceptionnel dont se vante Sheppard, le chef de la station. Bien qu'ébranlé par le départ soudain de sa femme, Carol, il entreprend une enquête à hauts risques. La présence de drogue dans le sang d'un cadavre mène O'Niel sur la piste d'une filière dont il appréhende bientôt l'un des passeurs. Mais son témoin à charge est supprimé...

Selon la légende, Peter Hyams souhaitait à l’origine réaliser un western, mais les studios ne voulaient plus de projets de films mettant en scène des héros portant des colts alors que La guerre des étoiles était devenue le modèle à suivre en raison de son carton planétaire au box-office. Surtout qu’Alien en 1979, n’avait fait que confirmer l’intérêt du public pour la science-fiction. Connu pour son film Capricorne One sur un faux atterrissage sur Mars en 1978, Hyams est alors contacté par les studios pour livrer une oeuvre de SF. Pour écrire son scénario, déçu de n’avoir pu filmer des héros avec des éperons et des chapeaux de cow-boy, il va s’inspirer du Train sifflera trois fois avec Gary Cooper. On retrouve ainsi dans Outland la figure du shérif (un ranger ici) qui doit affronter seul des tueurs à gages dans une cité peuplée de couards. Ancien journaliste, Hyams va également développer dans le genre, un discours social en opposition au reaganisme naissant de l’époque. En effet, la cité minière où travaille Sean Connery est aux mains de grands consortiums qui sont prêts à sacrifier leurs ouvriers au nom de la sacro-sainte croissance. Le film s’avérera ainsi au final, une condamnation du capitalisme qui privilégie le rendement à l’individu.

À l’instar d’un John Badham qui œuvrait à la même époque sur Wargames ou La fièvre du samedi soir, on est frappé par l’efficacité de la mise en scène et le sens du cadre d’un Peter Hyams souvent chef opérateur sur ses films et qui méritait bien plus que sa réputation de faiseur de séries B. Dès l’ouverture, le cinéaste nous dévoile le décor mortifère de son long-métrage à travers de ridicules structures industrielles métalliques où quelques lumières disparates rappellent qu’il y a bien de la vie dans ces zones arides plongées dans les ténèbres. Puis il nous fait pénétrer dans les bâtiments, où il emploie de nombreux surcradrages durant tout le film pour emprisonner visuellement ses personnages dans cet enfer industriel.  À cet égard, le soin apporté par le cinéaste pour donner vie à une cité minière vraisemblable dans l’espace influencera un certain James Cameron pour les intérieurs de la station sous-marine d’Abyss .

Porté par une histoire simple, mais parfaitement écrite avec des personnages à la psychologie fouillée, le film possède une bande originale de qualité signée par Jerry Goldsmith et peut compter sur un Sean Connery dont le jeu impressionne ici. Tout en sobriété, il incarne un personnage solitaire qui n’est pas un héros, mais un homme qui décida un jour d’ouvrir les yeux et ainsi de conserver son humanité.

Outland est un grand film de science-fiction à voir ou revoir absolument.

Mad Will