Si vous suivez mes articles sur Chacun Cherche Son Film, vous connaissez ma volonté de vous faire connaître ou redécouvrir des films originaux et singuliers qui changent des produits aseptisés qui pullulent sur nos écrans. Alors que nos salles de cinéma sont envahies par les produits Disney et que se prépare le raz de marée commercial de la suite de la Reine des neiges, je souhaitais vous parler aujourd’hui d’un bijou du cinéma d’animation que vous pourrez regarder avec vos plus jeunes enfants. Revenons donc au début des années 80 avec La Dernière Licorne qui fut un succès monstre en Allemagne, mais qui reste inconnu dans la plupart des autres territoires.  Et je peux vous assurer que nos voisins d’outre-Rhin ont diablement raison de cultiver un culte pour une œuvre à la beauté envoûtante, d’une poésie rare et jamais mielleuse comme trop souvent dans les productions de la souris devenue un ogre à grosses oreilles !

Mais que raconte cette Dernière Licorne ?

Au cœur d’une forêt enchantée vit une licorne solitaire. Un jour, elle entend deux chasseurs déplorer la disparition des licornes. Serait-elle vraiment la dernière de son espèce ? En quête de réponses, elle quitte la forêt mais ne tarde pas à se faire capturer par la Mère Fortune qui l’expose dans son carnaval de créatures mythologiques. Heureusement, l’assistant de la sorcière, un jeune magicien maladroit du nom de Schmendrick, vient à la rescousse. Ensemble, ils se mettent en route pour le château du roi Haggard où, dit-on, le redoutable Taureau de Feu aurait entraîné toutes les licornes du monde…

Dès les premières minutes, on est émerveillé par la qualité des décors et par cette licorne qui est la plus belle que le cinéma d’animation nous ait offerte. Le film se caractérise par le soin apporté aux décors et son animation de haute volée qui fait rarement défaut dans le film. Le travail des couleurs impressionne vraiment et certains choix chromatiques rappellent la magnificence des créations des studios Ghibli. L’esthétique du film est une réussite tant elle arrive à marier avec bonheur le dessin japonais et américain, l’art de l’estampe aux traits des comics underground américains. On le voit particulièrement à travers le design de la licorne qui se transforme en une humaine nommée Lady Amalthéa qui fait irrémédiablement penser aux splendides héroïnes de Leiji Matsumoto, le papa d’Albator. À l’inverse, les autres personnages humains rappellent par leur design le Seigneur des anneaux de Ralph Bakshi. Après avoir vu de nombreux crédits japonais, j’ai fait des recherches sur le Studio Topcraft qui collabora avec Rankin et Bass à partir des années 70 et qui s’occupe de l’animation sur le film. Fondé par des anciens de la Toei, Topcraft est connu pour avoir travaillé sur de nombreuses coproductions avec les USA et surtout pour avoir produit un long-métrage d’un certain Hayao Miyazaki avec le magnifique Nausicaä de la vallée du vent. Quand le studio fermera ses portes en 1985, une petite partie des équipes rejoindront Walt Disney Japan alors que la grande majorité des animateurs sera engagée par un certain Studio Ghibli qui vient de se constituer !

Au-delà de sa magnifique réalisation, c’est bel et bien l’histoire racontée par La Dernière Licorne qui fait de ce film un classique du cinéma d’animation. À ce titre, le scénario est l’adaptation d’un classique de la littérature jeunesse de Peter S. Beagle qui s’est lui-même chargé de l’adaptation cinématographique. Quand on regarde le film, on est tout d’abord frappé par le travail sur la psychologie des personnages. En effet, l’auteur donne vie à des êtres qui doutent, sans jamais tomber dans le manichéisme cher aux longs-métrages Disney. Ainsi, le méchant de l’histoire, le roi Haggard, est avant tout un homme désespéré alors que Molly qui aide la licorne est une femme dont la vie avait fait disparaître les illusions jusqu’à sa rencontre avec l’animal de légende. C’est réellement un film pensé pour les enfants qui pourront ressentir des sentiments forts tels que la joie ou la mélancolie grâce à la simplicité de l’histoire. Pour autant, les adultes seront également touchés par la richesse thématique de l’ensemble. En effet, c’est un film qui parle avec beaucoup d’intelligence du besoin de croyance de l'être humain. On pense ainsi à la très belle scène avec Robin des bois ou bien encore à ce squelette qui rêve de pouvoir boire du vin. L’auteur réussit également à nous parler de la valeur de l’expérience dans la vie à travers un final inattendu qui nous change des happy ends des productions pour enfants.  Cette conclusion douce amère est vraiment riche de sens et s’inscrit dans la lignée des contes classiques qui avaient valeur d’apprentissage. Enfin, La Dernière Licorne est aussi et avant tout une référence en matière de dialogues où l’auteur s’amuse avec de nombreux jeux de mots et multiplie les proverbes et autres devinettes. Nous sommes réellement dans une approche littéraire et érudite de la fantasy qui fait de ce film, un chef-d’oeuvre intemporel.

Outre sa réalisation superbe, et son scénario de grande qualité, le film est porté par l’interprétation de haute volée de comédiens de cinéma dans sa version anglaise. Que ce soit Christopher Lee, Angela Lansbury, Jeff Bridges et enfin Mia Farrow, nous avons le droit à un casting digne d’une production cinéma.  À noter que le grand acteur anglais Christopher Lee avait insisté pour reprendre à l’identique les dialogues du roman, tellement il appréciait la subtilité de la langue de Peter S. Beagle. Quant à la musique, elle est signée par le parolier et musicien Jimmy Webb qui collabora dans sa carrière avec Toto et Art Grafunkel. Ses compositions orientées folk sont réussies grâce à l’interprétation du groupe America, connu pour leur classique A Horse with No Name. À noter que la chanson The last Unicorn qui ouvre le film est une merveille de pop capable en quelques notes de vous émouvoir.

Une belle histoire parfaitement racontée et merveilleusement animée, La Dernière Licorne est un classique de l’animation à voir et revoir absolument !

Mad Will