Mad Will vous propose durant l'été de retrouver ses critiques de films cultes. Aujourd'hui, je reviens sur le déjanté Les Aventures de Buckaroo Banzaï.

Mais au fait que raconte Buckaroo Banzaï ?

Neurochirurgien de renom et spécialiste de la physique des particules, Buckaroo Banzaï est un personnage original qui passe son temps libre à fabriquer d'étranges bolides et à animer le groupe de rock le plus célèbre du Texas. Entre une opération et un concert, il explore la huitième dimension à bord de ses engins et combat des créatures souvent étranges et belliqueuses. Un jour, lord Worfin, un être démoniaque, s'échappe de l'asile dans lequel il était détenu, ayant pris possession du corps du docteur Emilio Lizardo. Worfin a désormais besoin du vaisseau de Buckaroo Banzaï pour retourner chez lui, grâce à la huitième dimension...

Dès la lecture du synopsis, il était évident que ce long-métrage allait marquer ses jeunes spectateurs de l'époque même si leur nombre fut retreint en 1984 (le film ne fut pas un succès, ne gagnant sa renommée qu’avec le marché vidéo). En effet, Buckaroo est un rêve d'adolescent devenu film où un jeune homme opère le matin, découvre une nouvelle dimension qui révolutionne les sciences l’après-midi, et part enfin jouer du Van Halen le soir dans des bars, sans avoir oublié de s’entraîner au Kendo entre chaque activité.

Tout cela est-il bien sérieux ? Eh bien non… Pour autant, je vous rétorquerai qu’un épisode de James Bond avec Roger Moore ou encore Sean Connery n’est pas beaucoup plus réaliste. De tout temps, le cinéma a permis la projection des fantasmes des spectateurs de son époque. Le Bond de Connery reflétait ainsi les désirs de toute-puissance masculine des années 60. Avec Buckaroo, le réalisateur W. D. Richter et son scénariste Earl Mac Rauch essayaient de coller à leur époque en nous offrant un héros geek cool en mode James Bond, inspiré par les comics de super héros où tout est possible.

Pour analyser ce film, il faut évoquer son réalisateur W. D. Richter qui a surtout œuvré comme scénariste à Hollywood en signant plusieurs scripts, dont celui des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin . Voir son nom associé à Buckaroo est tout sauf un hasard, surtout quand on connaît le film précédemment cité. En effet, l'extravagance et l'humour sont de mise dans Jack Burton et Buckaroo, pour autant la mise en scène de Richter fait vraiment pâle figure par rapport à celle du réalisateur d'Halloween. En effet, Richter n’est pas un grand cinéaste, illustrant assez platement le scénario de Earl Mac Rauch. Pas vraiment à l’aise dans les scènes d’actions, il a aussi beaucoup de mal à créer du mouvement ou à proposer un point de vue dans les scènes dialoguées.

Le film fourmille cependant d'excellentes idées comme lorsque les héros évoquent Orson Welles qui aurait été victime d'un lavage de cerveau après avoir vu une réelle invasion d'extraterrestres. Les dialogues bien écrits sont à ce point surréalistes qu’ils seront répétés par une communauté de fans dans les conventions où le film est projeté.  On se souvient ainsi du "Non, non, ne tirez pas là-dessus, vous ne savez pas à quoi ça peut être rattaché » déclamé par un chirurgien lors d'une opération du cerveau.

La direction d’acteurs laisse ainsi à désirer alors qu’à l’écran on retrouve une sacrée collection de trognes du cinéma. Si certains acteurs tels que Christopher Lloyd (le doc de Retour vers le futur ), Clancy Brown (le Kurgan d’Highlander), Peter Weller (le héros de Robocop ) et Jeff Goldblum (La mouche , Jurassic Park ) ne semblent pas toujours concernés, un comédien au contraire se lâche totalement dans le film : M. John Lithgow.
John est un « bon » acteur, mais comment dire, il est parfois totalement… incontrôlable. On se rappelle entre autres de ses interprétations à la limite du supportable comme dans L'Esprit de Caïn de De Palma. Et bien, Buckaroo c’est avant tout le "John Lithgow show", il fait n’importe quoi, repoussant les limites du surjeu et de l’excentricité au cinéma. On en vient même à se demander s'il a lu le scénario tellement il semble en improvisation totale. John nous offre une performance digne d’un spectacle de clown interprété sous amphétamines. Ce sont donc les limites de Richter en tant que metteur en scène qui font que l'oeuvre possède un certain charme tant elle échappe au contrôle de son créateur. Une interprétation pareille participe au statut culte du film !

Buckaroo possède un univers très riche. Le générique final en est une preuve flagrante. Nous retrouvons tout d'abord un intertitre sur fond noir qui nous annonce carrément le deuxième épisode jamais tourné : The Adventures of Buckaroo Banzaï : Against the World Crime League. Puis les crédits du film défilent sur des images d'un Peter Weller qui est rejoint petit à petit par toute son équipe. Dans Buckaroo, un univers mythologique est présent, mais à l’état embryonnaire.  On aimerait ainsi connaître l’origine de chaque personnage et leur surnom, le trauma vécu par Buckaroo devenu veuf ou la raison pour laquelle Goldblum s’habille en cowboy. Buckaroo Banzaï est donc un long-métrage bancal où les pistes narratives non exploitées sont tellement nombreuses qu’elles suffiraient à créer de nombreux autres films qui n’existent pour l'instant que dans l'imaginaire des fans.

Bide commercial en salles devenu populaire grâce à ses diffusions à la télévision et son exploitation en vidéo, Buckaroo Banzaï a été cette année dans l'une des plus grosses productions de l'histoire du cinéma :  Ready Player One  réalisé par Steven Spielberg. Ce classique des soirées entre cinéphiles déviants ne sera jamais le meilleur film du monde. Pour autant, son originalité en fait un divertissement à découvrir pour comprendre ce qui fait qu’un film mal aimé à sa sortie devient une œuvre culte 30 ans plus tard.

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