Le film en DVD : Lien

"Homme ou machine / nul n'imagine / Quel est son secret / nul ne le sait / Mais quand on l'appelle /  il surgit du ciel / Puis il disparait / toujours aux aguets  / Toujours… toujours … toujours "

Ces paroles tirées du générique de la série animée Cobra vous feront sans doute un effet semblable à la célèbre madeleine de Proust surtout si vous avez actuellement entre 30 et 40 ans. La série Cobra Space Avdenture de 31 épisodes diffusée sur Canal + puis Antenne 2 n’est pas un simple dessin animé, mais une œuvre culte et intemporelle qui a marqué à jamais l’auteur de ces lignes tout comme comme le réalisateur Alexandre Aja (Haute tension ..) qui a essayé pendant près de 10 ans de réaliser une version live des aventures du plus célèbre pirate de l’espace.

Cobra est avant tout l’oeuvre du mangaka Buichi Terasawa. Cet auteur a commencé sa carrière dans le shojo (bandes dessinées pour un public de jeunes filles) avant de devenir l'assistant du vénérable Osamu Tezuka, le papa d’Astro le petit robot. Il travaillera aux côtés du maître sur des séries cultes telles que Black Jack ou Phénix. Dans les créations de Terasawa, on retrouve le même savant découpage d’une lisibilité absolue que chez le dieu des mangas. Très vite, Terasawa prend son envol et signe plusieurs nouvelles en bandes dessinées dont Sigma 45 où l'héroïne était déjà dotée d'un canon à la place de son bras droit. Dès la fin 77, l'auteur travaille sur les aventures de Cobra qui paraîtront l’année suivante dans le magazine Weekly Shônen Jump des éditions Shueisha. Dès le début, le manga Cobra connaît un énorme succès grâce à l’imagination sans limites de son auteur dont l’univers mixe harmonieusement les genres cinématographiques, que ce soit le western, le space opera, ou le film d’espionnage à la 007. À noter que son approche graphique est assez européenne et rappelle le Barbarella de Forest. Ajoutez à cela un personnage ultra charismatique dont le faciès est celui de notre Jean-Paul Belmondo préféré et vous obtiendrez Cobra. Dès le début 80, le studio d'animation Tokyo Movie Shinsha (TMS) décide de lancer un long-métrage inspiré du manga ainsi qu’une série animée.

Que raconte le film ?

Myrus est une planète qui a la particularité de ne pas être reliée à un système puisque c'est une planète artificielle, tout comme son atmosphère. Elle « voyage » en fait à travers l'espace. Il y a un siècle environ, elle entre dans une région hostile où la guerre régne entre deux peuples.Toute vie disparait de la surface de Myrus, frappée par des armes dévastatrices, sauf 3 survivantes : Jane, Catherine et Dominique, les trois filles de la reine de Myrus. Pour reprendre la succession, il n'y a que deux solutions : soit les 3 sœurs tombent amoureuses du même homme, pour pouvoir « fusionner » en une seule entité, soit il ne doit en rester qu'une seule encore en vie sur les 3. Jane, devenue chasseuse de primes, rencontre Cobra et tombe amoureuse de lui. Elle lui demande alors de l'aider à délivrer Catherine, prisonnière du terrible Lord Nekron.

La critique du film :

Le film est réalisé en amont de la série animée et sort en 1982 au Japon quelques mois avant la diffusion de la série. Il est l’oeuvre d’Ozamu Desaki, un maître de l’animation connu pour avoir signé des épisodes de Rémi sans famille, Lady Oscar, la série animée Cobra et le film Golgo 13. Le long-métrage est doté d’un budget conséquent et son scénario mixe des arcs narratifs des mangas de Terasawa tels que L’Arme Absolue ou La porte dorée. Le film est très différent de la bande dessinée et de la série que nous avons découvert sur Canal + puis Antenne 2. Si le manga doit beaucoup à James Bond, on pourrait dire que le film avec sa mise en scène très onirique évoque 2001. Terasawa a détesté le long métrage qui s’éloignait trop de son manga qui était plus orienté action avec son héros hâbleur. Le film au final est très proche du Star Trek de Robert Wise. En effet, il propose une variation métaphysique d’une franchise, plutôt qu’une véritable adaptation.

Quelques mots sur les différentes versions audio du film. Alors, soyons directs, la VF est mauvaise et prend beaucoup trop de liberté au niveau traduction même si on reconnaît la voix du Cobra de la série qui a tant marqué notre enfance. Par souci de fidélité par rapport à l’œuvre originale, je vous conseillerais la version japonaise, mais j’apprécie énormément le doublage américain pour la musique de Yello. En effet, les distributeurs américains ont changé la musique originale d‘Osamu Shôji pour la remplacer par des titres du groupe de techno helvète Yello. On peut préférer la musique symphonique originale, mais il est clair que les compositions de Yello collent également très bien au film.

Le long-métrage évoque La Forteresse noire de Michael Mann avec un Osamu Desaki qui suspend le temps grâce à des ralentis ou des plans fixes tout en composant des tableaux absolument sublimes. Si le scénario est lisible, il n’est pas primordial, car ce film de Cobra est avant tout une création artistique qui fonctionne sur le ressenti. Une oeuvre où l‘image et la musique concourent à faire vivre une expérience sensorielle aux spectateurs. La réalisation est vraiment somptueuse et s'appuie sur un découpage à la Satoshi Kon où l’animation rend tout possible en matière de montage. Un récit d’amour et de mort qui était au début 80, le summum en matière de dessin animé.

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Ce film demande au spectateur de se le laisser aller, de s’imprégner des images. Une oeuvre qui serait impossible dans le cinéma actuel terriblement balisé où tout doit être expliqué. Ce Cobra Space Adventure au cinéma est tout simplement un monument signé par la génération dorée de l’animation japonaise au sommet de son art. Un film à voir absolument si vous êtes fan d’animés et que vous connaissez la série originale de Cobra.

Mad Will