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Le résumé du film :

Depuis dix ans, la Terre est sous la coupe d'extraterrestres. Certains ont décidé de pactiser avec l'envahisseur, d'autres refusent catégoriquement. Une équipe de rebelles montent une opération visant à s'attaquer aux réseaux informatiques...

Un film d’invasion extraterrestre où la résistance contre l’envahisseur serait traitée à la manière de l’Armée des ombres de Jean Pierre Melville. Un postulat qui donne sacrément envie de voir ce Captive State, tentative plus que courageuse de proposer une science-fiction intimiste par le réalisateur du premier volet du reboot de La planète des singes. Il aura fallu tout de même cinq années pour retrouver le nom de Rupert Wyatt au générique d’un film après l’échec de The Gambler en 2014. Une carrière marquée par des nombreux désaccords artistiques qui l’on conduit à quitter de multiples projets dont une adaptation du super-héros Gambit qui devait être produite par la Fox. Ainsi pour son retour sur grand écran, Wyatt choisit de réaliser et d’écrire avec sa femme son nouveau film qu’il tourne pour un micro budget (à l’échelle hollywoodienne) de 25 millions de dollars qui lui garantira une certaine liberté artistique.

Je serais franc avec vous, Captive State est un film imparfait qui agacera certains de ses spectateurs en raison de son âpreté et sa volonté de ne jamais magnifier l’héroïsme. Mais au moment où sort un Shazam ! qui reproduit jusqu’à l’écoeurement la formule super-héroïque, je ne peux m’empêcher de défendre Captive State même si son réalisateur n’arrive pas à mener à bien toutes ses intentions.

Captive State est un film difficile à chroniquer. En effet, on a envie de saluer les partis pris particulièrement risqués de l’auteur tout en soulignant leurs limites en matière de construction dramatique. Ce long-métrage est à l’opposé du cinéma hollywoodien actuel qui n’a qu’une seule obsession : le confort du spectateur. Rupert Wyatt signe ici un film antispectaculaire à la mise en scène heurtée qui donne à voir pendant sa première heure des rencontres entre deux barres d’immeubles où s’échangent des messages codés entre des personnages peu ou pas identifiés, dont on apprendra plus tard qu'ils font partie du même groupe de résistants. Le réalisateur essaye ici de nous montrer que dans un réseau clandestin, seules les informations nécessaires à la mission sont échangées pour garantir la sécurité de tous. Ce choix dramatique a cependant une conséquence fâcheuse : l’absence de caractérisation des personnages. En nous montrant presque exclusivement ses protagonistes dans leurs actions clandestines et non dans leur vie quotidienne, il est impossible de s’attacher à eux. De plus, le réalisateur abuse d’une caméra de type « parkinsonienne » qui rappelle les documentaires de guerre et qui finit par lasser un spectateur qui aimerait des plans plus posés pour enfin comprendre ce que font personnages vus à l’écran. Il faudra ainsi une heure de film pour que les enjeux dramatiques soient enfin lisibles à l'occasion d'un attentat contre les extraterrestres perpétré par un petit groupe de résistants. Le réalisateur les caractérise enfin à l’écran par le biais d'un dialogue ou d'un gros plan. Mieux équilibré en matière d’écriture, Captive State aurait semblé moins austère pour certains de ses spectateurs. Rupert Wyatt a cité Melville comme référence en indiquant qu’il voulait montrer la résistance de façon clinique en refusant tout héroïsme. Le réalisateur américain n’arrive cependant pas à insuffler de l’humanité comme son illustre modèle par un simple jeu de regard ou de longs plans qui suspendent le temps

Captive State est un film courageux qui refuse tout manichéisme. Le film ne nous donne pas à voir des héros, mais seulement des personnages qui ont peur et qui sont prêts à renoncer plusieurs fois. Mais surtout, le réalisateur prend un risque énorme pour une production commerciale en ne nous donnant jamais à voir les exactions des extraterrestres. À la différence des autres réalisations autour d’une résistance ou d’une rébellion, nous n’aurons jamais la légitimation à l’écran de l’intérêt de renverser ces visiteurs venus d’une autre galaxie. On nous évoque bien un quartier détruit, des ressources énergétiques volées, mais c’est au spectateur de se forger sa propre opinion et de s’interroger sur les limites morales à se fixer (tuer un homme, mettre la vie en danger d’innocents…) quand on veut renverser un système que l’on trouve dangereux pour soi ou pour les autres.

Une série B qui porte un regard personnel sur le genre et que je vous invite à découvrir en salles.

Mad Will